Liège expansé, déchets de construction voire urine humaine figurent dans ce tour d'horizon des alternatives à la brique, conçues pour réduire l'empreinte carbone intrinsèque, aussi appelée énergie grise, de l'élément de base de maçonnerie.
Après le béton et l'acier, la brique est devenue la dernière cible des architectes, des designers et des chercheurs en matériaux qui espèrent réduire les émissions associées aux matériaux de construction. En effet, les briques sont généralement fabriquées à partir d'argile, une ressource limitée qui doit être extraite et transportée dans le monde entier, et elles sont cuites dans des fours alimentés par des combustibles fossiles à des températures de plus de 1 000 degrés Celsius, souvent pendant plusieurs jours. Ce processus à haute intensité énergétique génère non seulement une grande quantité d'émissions de gaz à effet de serre, mais aussi du monoxyde de carbone et d'autres gaz polluants dangereux, notamment en Asie du Sud où les fours sont encore souvent alimentés au charbon.
Pour résoudre ces problèmes, les fabricants de briques et les chercheurs cherchent de plus en plus utiliser les déchets locaux pour créer des éléments de maçonnerie, et à revenir aux méthodes traditionnelles de séchage au soleil pour éviter la cuisson.
Blocs de liège (Cork blocks), développés par MPH Architects, Bartlett School of Architecture, University of Bath, Amorim UK et Ty-Mawr
Plus précisément des blocs de liège expansé, s'emboîtant les uns dans les autres et empilés comme des Lego sans mortier ni colle dans ce système de construction, qui a été utilisé pour construire la Cork House, nominée pour le prix Stirling. Cela signifie que les briques peuvent être utilisées pour créer des structures faciles à démonter, à recycler et à réutiliser, et qu'elles ont le potentiel d'être neutres en carbone grâce aux grandes quantités de CO2 emprisonnées par les chênes-lièges, d'où provient le matériau.
Le bureau londonien MPH Architects travaille sur ce système en collaboration avec divers instituts de recherche depuis 2014, et espère maintenant le développer en un kit de construction en liège à monter soi-même.
K-Briq, par Kenoteq
Avec un taux de 90 %, la K-Briq offre "le plus important contenu recyclé le plus élevé de toutes les briques" actuellement sur le marché, selon le fabricant Kenoteq, ce qui lui a valu d'être sacrée "sustainable design of the year" lors des Dezeen Awards 2022.
Comme la brique n'a pas besoin d'être cuite, elle nécessite 90 % d'énergie en moins dans sa production qu'une brique traditionnelle et émet finalement moins d'un dixième des émissions de carbone dans sa fabrication.
Parmi les alternatives de briques de cette liste, la K-Briq est la plus proche de la commercialisation. Le bureau sud-africain Counterspace a ainsi été contraint d'abandonner son projet d'intégrer des K-Briqs dans le Serpentine Pavilion de 2021, en raison des longs délais d'exécution.
Building the Local, par Ellie Birkhead
Ce projet d'Ellie Birkhead, diplômée de l'Académie de design d'Eindhoven, utilise des déchets locaux comme les chutes cheveux d'un salon de coiffure, le fumier d'une écurie et la laine d'une ferme pour renforcer des briques d'argile non cuites.
Le résultat est donc des briques différentes, spécifiques à chaque région, qui, selon Ellie Birkhead, peuvent contribuer à une gestion des déchets de manière plus circulaire et à « forger un avenir pour l'industrie locale ».
Gent Waste Brick par Carmody Groarke, TRANS Architectuur Stedenbouw, Local Works Studio et BC Materials
Pour construire la nouvelle aile du Design Museum Gent, les bureaux d'architecture Carmody Groarke et TRANS Architectuur Stedenbouw ont travaillé avec des chercheurs en matériaux pour transformer des déchets locaux, comme le béton de démolition et le verre, en une brique non cuite à faible teneur en carbone.
Cette brique contient un tiers du carbone intrinsèque d'une brique d'argile belge typique et est produite selon un processus simple, transmis au public via des workshop, encourageant les résidents locaux à participer à la construction de leur musée.
« Les briques seront fabriquées sur une friche industrielle gantoise, à l'aide d'un processus de production simple et propre, et facilement reproduisible dans d'autres environnements urbains", a déclaré Carmody Groarke. « Le tout sans émissions, sans additifs ou déchets ».
Briques “Green Charcoal”, par l’Indian School of Design and Innovation (Mumbai)
Ces briques en béton développées par l'Indian School of Design and Innovation de Mumbai sont enrichies de terre, de charbon de bois et de fibres de luffa, qui créent des poches d'air et permettent de réduire la quantité de ciment nécessaire à leur fabrication. Les blocs de construction ainsi obtenus sont jusqu'à 20 fois plus poreux que les briques ordinaires, ce qui favorise la biodiversité en faisant de la place aux plantes et aux insectes dans nos villes, affirment les chercheurs.
La Mycelium Brick par The Living
L'une des premières expériences d'utilisation du mycélium dans le domaine architectural a vu le bureau new-yorkais The Living construire le pavillon MoMA PS1 de 2014 avec des briques issues de la structure racinaire de champignons.
Basé sur un processus mis au point par la société de biomatériaux Ecovative, ce procédé consistait à placer des déchets de tiges de maïs provenant de l'agriculture à l'intérieur d'un moule et à encourager le mycélium à se développer autour de ce substrat, cimentant ainsi efficacement la brique.
Le mycélium est également de plus en plus exploré comme un moyen d'isoler et d'ignifuger les bâtiments tout en contribuant à emprisonner le carbone et en étant biodégradable.
Urine bio-bricks par Suzanne Lambert
Dans ce projet expérimental de Suzanne Lambert, chercheuse à la Cape Town University (Afrique du Sud), de l'urine humaine, du sable et des bactéries sont combinés dans des moules à briques. La bactérie déclenche une réaction chimique qui décompose l'urée contenue dans l'urine et produit du carbonate de calcium, principal composant du ciment, selon un processus similaire à celui de la formation des coquillages. « Au plus vous donnez du temps aux petites bactéries de fabriquer le ciment, au plus le produit sera solide », a expliqué la chercheuse pour Dezeen.