A Oslo, un projet de rénovation érigé en exemple de construction circulaire

La Commission Européenne estime que l'industrie du bâtiment produit environ un tiers des déchets dans le monde. Cela représente un volume presque inimaginable de débris de démolition : chutes de bois, vieilles tuiles et moquettes, morceaux d'acier, fenêtres mal ajustées, gravats de béton, etc. Mais d'un autre point de vue, tous ces déchets ne constituent-ils pas également une mine de matériaux de construction bruts qui ne demandent qu'à prendre forme. La question est donc légitime : est-il possible de concevoir un bâtiment presque entièrement à partir de déchets ?

 

Pour Mad Arkitekter, un bureau d'architecture fondé à Oslo en 1997, le potentiel de réutilisation des déchets de construction s’est transformé en une obsession qui a conduit le bureau à réaménager ses propres installations avec des matériaux largement recyclés en 2021. Lorsque le promoteur immobilier Entra l'a contacté pour lui proposer de rénover et d'agrandir un immeuble de bureaux datant de 1958 situé à proximité, le bureau y a vu une occasion de développer ses principes de réemploi à une échelle supérieure.

 

Près de 80% de composants de réemploi

Le projet, situé sur la Kristian Augusts Gate, peut se targuer d’un taux de de près de 80 % de composants de réemploi, dans l'immeuble rénové et dans une l’extension de huit étages et de 9 200m2. Cette stratégie a permis de réduire les émissions de carbone de 70 % par rapport à une construction neuve de même envergure.

Avec une superficie totale de 43 000m2, le bâtiment « est suffisamment grand pour servir d'exemple, mais il est suffisamment petit pour être facilement gérable », explique Åshild Wangensteen Bjørvik, associée et directrice générale du bureau d'Oslo de Mad Arkitekter. Son équipe de conception s'est procuré des matériaux comme de l'acier de construction, des tuiles, des briques, du bois, des panneaux de revêtement, des fenêtres et même des plaques de béton sur 25 sites de démolition et projets de construction dans toute la Norvège, qu'elle appelle "bâtiments donateurs". En cours de route, ils ont prouvé que la réutilisation a un potentiel qui va bien au-delà des projets-vitrines et des habitations off-grid.

 

Les obstacles à la réutilisation des matériaux

Les obstacles étaient nombreux : le réemploi n'est pas exactement couvert par les codes et réglementations du secteur de la construction, le marché des matériaux de réemploi n'est pas encore suffisamment développé, et la coordination du calendrier de construction avec les calendriers de démolition de dizaines d'autres projets a exigé patience et flexibilité. Certains éléments ne pouvaient pas être réutilisés : Les cloisons de bureau en verre n'ont pas pu être trouvées à temps, et seules trois des dalles de plancher de l'annexe sont issues du réemploi.

Néanmoins, atteindre un taux de 80 % est remarquable, et M. Bjørvik a bon espoir que le projet Kristian Augusts Gate 13 ouvre la voie à d'autres projets misant sur réutilisation. « Le coût de ces éléments [acier et béton] était plus élevé, notamment parce qu'ils sont plus difficiles à réutiliser. Mais après ce projet, beaucoup d'autres ont suivi. Nous avons créé une nouvelle voie, une nouvelle routine, une nouvelle façon de faire les choses, de sorte que c'est beaucoup plus facile maintenant et que les coûts diminuent ».

 

Des partenaires déterminants.

Pour garantir la sécurité des éléments structurels de réemploi, l'équipe de Mad Arkitekter a créée plusieurs partenariats avec des instituts de recherche et des ingénieurs norvégiens afin de tester la solidité structurelle de l'acier et du béton. Le soutien de la ville d'Oslo a également été déterminant. « La ville avait vraiment confiance en nous et en notre capacité à réaliser un projet, à la fois en adéquation avec la législation et promouvant la réutilisation, et elle a certifié que ce bâtiment durerait des années », explique M. Bjørvik.

Le locataire du bâtiment, la franchise de coworking Spaces, a été un autre partenaire clé. À l'origine, les intérieurs devaient être conformes au manuel de conception de Spaces, mais compte tenu de la disponibilité variable des matériaux de réemploi, cela n'a pas toujours été possible. Dans la plupart des cas, Mme Bjørvik explique que son équipe a pu trouver des matériaux réutilisés qui correspondaient à la palette de Spaces, mais qu'elle a persuadé l’entreprise de faire preuve d'une certaine souplesse. En fin de compte, Spaces s'est tellement investi dans le processus qu'il a collaboré avec Mad pour créer un nouveau manuel dédié à la conception de bâtiments réutilisés.  

 

A l’intérieur du Space de la Kristian Augusts Gate 13

À l'intérieur, l'espace est éclectique et accueillant, décoré d'une mosaïque récupérée de l'intérieur du bureau de 1958, ainsi que d'un bar et d'un escalier central tous deux fabriqués à partir de bois recyclé. Les bureaux sont divisés par des cloisons démontables en bois et en verre, tandis qu'une cuisine au premier étage et des terrasses à l'étage servent d'espaces de rencontre. La toiture verte vient renforcer ses atouts en matière de développement durable. Si l'on en juge par sa popularité auprès des travailleurs du secteur technologique et créatif d'Oslo, le projet est un succès. « Beaucoup de gens veulent travailler dans ce bâtiment, et il y a une liste d'attente pour louer un espace », note Bjørvik avec fierté.

Son plus grand conseil en matière de réutilisation : connaissez vos matériaux. « Tout le monde semble penser que la révolution du secteur de la construction passera par le numérique. Et oui, c'est possible. Mais elle concerne aussi l’aspect physique », dit-elle en montrant une photo de son équipe en train d'inspecter une pile de bois de récupération. « On ne peut pas se contenter de tout scanner ; il faut mettre ses mains dans le cambouis et instaurer une collaboration beaucoup plus étroite entre les artisans et les concepteurs. C'est une façon de faire tombée en désuétude, mais qui doit être renouvelée pour l'avenir du secteur ».

 

Source: MetroMag

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