À Uccle, une rénovation pilote fait la démonstration du réemploi à grande échelle
Dans la rue Auguste Danse, à Uccle, un ancien bâtiment administratif communal retrouve petit à petit une seconde jeunesse. D’ici fin 2026, les espaces de bureaux seront transformés pour accueillir une école de promotion sociale et un centre PMS. Mais au-delà du changement de fonctions, ce projet se démarque avant tout par une approche méthodologique pionnière : celle d’un chantier de déconstruction avec réemploi, appuyé par une analyse environnementale approfondie via l’outil TOTEM.
Un cap franchi pour la Commune d’Uccle, qui développe ici sa première opération intégrant pleinement les principes d’économie circulaire. Retour sur une démarche inspirante et riche d’enseignements.
Le soutien Renoclick
Le réaménagement en profondeur du bâtiment fait suite au regroupement des services communaux sur un nouveau site. Le projet a été supporté par le programme Renoclick, qui soutient les pouvoirs locaux de la Région Bruxelles-Capitale dans la rénovation durable de leur patrimoine immobilier non-résidentiel. Ceci dans l’optique d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040, comme le prévoit la stratégie Rénolution. « Nous pouvons vraiment dire que nous avons été poussés dans le dos par Renoclick pour ce projet que l’on a baptisé 25 Danse, un soutien qui nous a permis d’éviter de reproduire nos schémas et décisions traditionnels et de nous lancer dans cette première. Et nous sommes prêts à réitérer l’expérience ! », souligne Dominique Collart, architecte et responsable de la cellule Architecture de la Commune d’Uccle.
Le projet a été sélectionné pour ses objectifs ambitieux, à savoir atteindre une consommation énergétique de 71 kWh/m².an, soit un niveau PEB B+, tout en intégrant des dispositifs durables comme une pompe à chaleur, une ventilation double flux, des panneaux photovoltaïques ou encore des protections solaires extérieures.
Réemploi : de la conviction à la mise en œuvre
Le projet se démarque également par l’attention portée au cycle de vie des matériaux. Avant même les travaux, la Commune d’Uccle lance un marché de curage spécifique, finalement confié au bureau spécialisé abt.be, pour dresser un inventaire détaillé des matériaux présents, leur localisation, et leur potentiel de réemploi.
Cet inventaire a permis de réaliser une répartition claire des différents éléments présents sur le site : certains, comme les appareils sanitaires, seront réemployés in situ, quand d’autres, tels les luminaires ou les panneaux photovoltaïques trouveront une nouvelle vie dans d’autres infrastructures communales.
Les matériaux ne pouvant pas être réemployés directement ne seront pas pour autant perdus : après extraction et traitement de reconditionnement, ils seront stockés en vue d’un réemploi ultérieur. La démarche de valorisation exemplaire des matériaux, jusque dans le tri des déchets, a influencé le choix de l’entreprise chargée du curage, Coliseum en association momentanée avec De Meuter. Cette dernière n’a pas proposé la solution la moins chère, mais bien la plus ambitieuse en termes de réemploi, une approche qui a convaincu le maitre d’ouvrage public.
Des défis concrets sur le terrain
Une telle approche implique également des défis inhérents à surmonter, et qui peuvent s’avérer déstabilisants, encore plus lorsqu’il s’agit d’une première expérience. Le maitre d’ouvrage et l’équipe de projet a dû redoubler d’efforts, notamment au niveau de l’organisation pratique et de la logistique, qui revêtent une grande importance dans le cadre d’opérations circulaires :
« Protection des circulations, création de zones de stockage au rez-de-chaussée, curage par étage et par type de flux : chaque étape est planifiée pour garantir la traçabilité et la propreté des matériaux réutilisables », ajoute Dominique Collart.
Les spécificités des matériaux ont parfois imposé des traitements sur site : conditionnement des isolants, nettoyage des carrelages, tri minutieux des éléments métalliques… Ces opérations, chronophages, demandent une expertise que toutes les entreprises ne possèdent pas encore.
« Il s’agit d’un des constats majeurs du projet : le réemploi exige une montée en compétence des entreprises, mais aussi un changement de paradigme et de mentalités chez les maîtres d’ouvrage et des différents parties prenantes », souligne-t-elle.
La biodiversité locale aussi prise en considération
Un autre point fort : l’intégration de la biodiversité dès la phase de conception. Des nichoirs pour moineaux et martinets ont été intégrés dans l’épaisseur de l’isolant de façade, avec des dispositifs spécifiques adaptés aux habitudes de chaque espèce. Là encore, le projet démontre que durabilité énergétique et préservation du vivant peuvent aller de pair.
Une étude TOTEM comme boussole environnementale
Parallèlement au marché de curage, la Commune d’Uccle désigne Matriciel, un bureau spécialisé, pour mener une étude TOTEM, afin d’évaluer précisément l’impact environnemental des matériaux prévus dans le projet de rénovation. Les résultats sont révélateurs : les cloisons en métal stud représentent à elles seules près de 45 % de l’impact total, ce qui a mené à une proposition alternative en ossature bois. « L’étude TOTEM nous a ouvert les yeux sur l’impact des différents matériaux mais aussi sur l’importance des choix qui sont faits lors de la phase de conception. On a beau savoir que l’acier a un impact important, notamment au vu de l’énergie nécessaire pour l’extraction des matières premières et sa transformation, quand l’outil en quantifie la réelle proportion dans un tableau, c’est beaucoup plus concret et donc révélateur », explique l’architecte.
De même, le carrelage mural des sanitaires, initialement prévu sur toute la hauteur des parois des sanitaires, devrait voir une hauteur de pose réduite pour limiter l’empreinte environnementale.
Ce travail d’analyse permet à l’équipe de conception de réajuster ses choix en amont, mais aussi de mieux documenter et motiver les décisions prises, étayées par des arguments quantifiables. Dominique Collart espère également que le recours à une étude TOTEM lors de prochains projets amènera des changements au niveau des phases préparatoires de ceux-ci, et cimentera de nouvelles pratiques vertueuses : « Il est évidemment trop tôt pour l’affirmer, mais au travers de futures expériences, je pense que nous serons capables d’adapter certaines pratiques bénéfiques à l’environnement, ne serait-ce qu’en évitant certains matériaux à l’impact carbone trop important, et en mettant en œuvre des alternatives plus écologiques de façon systématique ».
L’étude a également renforcé la pertinence du recours au réemploi, qui permet de réduire significativement l’impact environnemental global du projet.