Atelier 80 : quand architecture d'intérieur et durabilité ne font qu'un

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L’architecture et la création de mobilier d’intérieur, au sens large du terme et au travers du prisme de la durabilité. Voici comment l’on pourrait (trop simplement) présenter Atelier 80. Derrière ce nom, un couple : Marine Sculier et Pierre Yernaux. Derrière ce projet, une envie de développer différentes activités tout en respectant des valeurs essentielles à leurs yeux : un rapport client transparent, une adaptabilité maximale, et enfin une approche résolument durable. Pour ce nouveau long format Circubuild, Pierre est revenu sur les défis inhérents à leurs pratiques architecturales, mais aussi les opportunités que celles-ci génèrent.

Tracer sa route et suivre ses convictions

Durant ses études d’architecture d’intérieur au Carré des Arts à Mons, Pierre se désole déjà du manque d’intérêt pour l’aspect pratique de la profession. Pire, la section spécialisée Design de l’objet est arrêtée juste avant son arrivée en dernière année. Le jeune Montois d’adoption, passionnée par le travail du bois, décide donc de s’engager comme menuisier dans l’événementiel, mais quitte le secteur après plusieurs années, se rendant compte de son incompatibilité avec son engagement environnemental. Pendant la période de confinement due au Covid-19, sa volonté de lancer sa propre entreprise d’architecture d’intérieure devient de plus en plus concrète, et Atelier 80 voit le jour en début d’année 2023. Il est accompagné dans son aventure par sa compagne (désormais épouse) Marine, : « Ce projet a été mûri à 2 : nous partageons la même sensibilité environnementale et de nombreuses valeurs, que nous voulions propager via notre propre entreprise. Atelier 80 illustre en quelque sorte notre symbiose », explique-t-il.

Atelier 80 se compose de deux pôles d’activités principaux : d’un côté, la création de mobilier sur mesure, pour répondre à des besoins d’aménagement précis. Et de l’autre, la rénovation ou le réaménagement complet d’intérieurs, pour des maisons, espaces professionnels, qui constituent la majeure partie du travail de l’atelier. « Mais nous n’acceptons que des projets engagés, en phase avec notre vision durable. Nous commençons toute collaboration par un entretien préparatoire, pour nous assurer que le client est en accord avec notre démarche. Si ce n’est pas le cas, nous leur expliquons, sans aucun jugement bien sûr, que nous ne sommes pas le partenaire qu’il recherche, et proposons même des alternatives qui pourraient lui convenir », déclare Pierre.

Parallèlement, le couple a lancé deux autres volets d’activité complémentaires, à savoir leur propre marque de meubles durables, ainsi qu’un service d’accompagnement à l’achat de bien immobilier.

 

Dialogue, réemploi et concessions

Le duo d’Atelier 80 procède toujours avec la même approche : une réunion préparatoire donc, puis une présentation du projet ou du design. Vient ensuite un rendez-vous pour présenter un devis détaillé et échanger sur des possibles adaptations. Ensuite, si le devis est accepté, Atelier 80 prend en charge le projet, et commence alors un suivi de proximité, pour le développer en dialogue avec le maitre d’ouvrage, conséquence de l’aspect parfois imprévisible de leurs pratiques durables : « Nous travaillons au maximum avec des matériaux issus du réemploi ou recyclés. Dès lors, il arrive que le matériau, ou le meuble désiré ne soit pas disponible. Nous essayons donc toujours de trouver des solutions alternatives que nous proposons au client. Alors oui, le résultat final ne correspond pas toujours aux prévisions initiales, mais cela fait partie du jeu, et cela ne fait que renforcer notre créativité et notre capacité d’adaptation ».

De même, Marine et Pierre mettent un point d’honneur à se plier au budget de leurs clients, quitte à trouver des compromis quand cela s’avère nécessaire. « Par exemple, pour un projet récent, nous avons accepté de renoncer à un enduit de finitions naturel à base d’argile et de chaux, pour un enduit plâtre plus classique et moins couteux ».


Cependant, les deux architectes d’intérieur ont choisi de ne se faire aucune concession pour leur propre marque de mobilier d’intérieur. L’objectif étant, comme l’annonce le slogan de leur marque, de « créer le meuble le plus durable possible », qui prend soin de la santé des utilisateurs et de celle de la planète. « Nous avons pris la décision de rendre cette marque totalement autonome d'un point de vue financier, c'est-à-dire qu’elle n’a aucun but lucratif. En 2023, elle nous a même coûté beaucoup d'argent. En 2024, on veut juste qu'elle soit à l'équilibre, tout simplement. Tout bénéfice sera directement réinvesti dans la recherche et du développement, et sur des nouveaux projets »

 

« C’est dans la contrainte qu’il est le plus facile de se remettre en question et faire preuve de créativité »

 

Deux axes prioritaires pour plus de circularité

Selon Pierre, il est primordial d’informer aussi bien les clients que les professionnels de certains aspects de la construction circulaire qui ont tendance à rebuter, notamment l’acceptation de l’inconnu et l’adaptabilité : « Il faut se défaire de la volonté traditionnelle de tout contrôler. Le réemploi exige une certaine dose de flexibilité. Il est possible que le meuble ou la pièce désirée soit dans une autre teinte, un autre matériau, et cela fait partie du jeu », relativise-t-il.

Marine et Pierre se veulent porteurs de solutions pour tout projet, en ce qui concerne l’aspect financier. « Nous avons imaginé Atelier 80 comme accessible à tous. Nous pouvons tout à fait créer un projet de rénovation 100% en réemploi, pour nous astreindre aux budgets moins conséquents. Cela n’aura aucun impact sur la qualité, bien au contraire. Pierre démontre cette attitude en faisant référence à un de leurs projets actuels : « Nous sommes impliqués sur un projet très excitant à nos yeux, pour un couple qui rénove sa maison de façon ultra-écologique. Malheureusement, ils n’avaient plus assez de budget pour la cuisine, et sont venus vers nous pour des solutions alternatives. Au final, nous leur avons proposé de racheter 2 cuisines de particuliers, dont nous allons associer des éléments pour créer la cuisine de leur rêve, et ce 100% en réemploi, en réutilisant des meubles qui autrement auraient été jetés ».

De même, l’architecte d’intérieur plaide pour un rejet de la tendance « fast-furniture », qui, comme la fast-fashion pour les vêtements, crée un besoin artificiel de remplacer son mobilier et/ou son aménagement intérieur. En Europe, c’est près de 10 millions de tonnes de mobilier qui sont jetés chaque année, sans revalorisation, pour des meubles qui sont utilisés en moyenne à peine 10 ans. « La surconsommation touche également le domaine du mobilier, avec un turn-over est désormais très important. Il faut revenir à une forme raisonnée de consommation, ce qui implique aussi qu’il est inconcevable de créer des chaises à 50 euros ou des tables à 100 euros. Nous ne prônons pas un mobilier élitiste, mais bien un mobilier durable, dont l’investissement est amorti par des décennies d’utilisation », rappelle Pierre.  

Il insiste également sur le cycle de vie complet bien trop court des meubles alors que la durée de vie complète devrait être à la base du processus de conception. « Aujourd’hui, il est totalement inconscient de créer du mobilier dont les matériaux ne sont pas réemployables, voire même pas recyclables. Au contraire, il faut réduire drastiquement la quantité de matériaux nécessaire à la fabrication, s’assurer en premier lieu du réemploi, et ensuite aux possibilités de recyclage », explique-t-il pour clore ce sujet.

 

« Il faut revenir à une forme raisonnée de consommation, ce qui implique aussi qu’il est inconcevable de créer des chaises à 50 euros ou des tables à 100 euros »

 

Un nouveau service

Un peu par hasard, Marine et Pierre ont ajouté une corde à leur arc, et ouvert nouveau volet d’activités pour compléter l’offre d’Atelier 80. Désormais, ils proposent un service d’accompagnent et de conseil pour acheteurs potentiels. En effet, le couple d’architectes d’intérieur a rendu plusieurs fois service à des amis impliqués dans un processus d’achat immobilier : « Nous accompagnions lors des visites, fournissions des conseils et des prévisions budgétaires quant aux travaux de rénovation à réaliser, les possibilités d’aménagement… et nous nous sommes rendu compte que cela nous plaisait énormément. Depuis lors, nous avons l’occasion de le faire pour certains clients, et nous en retirons énormément de fierté de ce service baptisé « trouver la maison de nos rêves » ».

Ils citent souvent un projet d’accompagnement de ce style parmi les meilleurs souvenirs de leur (jeune) histoire : « Nous avons accompagné un couple qui avait eu un véritable crush pour un ancien château. Nous les avons conseillés sur l’entièreté de leur projet, préparé la rénovation complète, notamment sur l’aspect environnemental ». Après une première déception, le bien a été remis en vente, et leur offre a été finalement acceptée. « C’est d’autant plus une belle histoire, car nous avions déjà rénové leur appartement précédent, et nous avions été touchés qu’ils nous recontactent pour un nouveau projet immobilier. Ce service d’accompagnement nous permet de réellement créer des liens profonds avec nos clients, pour des projets parfois d’une vie », se réjouit Pierre. Pour Atelier 80, il s’agit d’ailleurs d’un projet d’envergure, avec 5 phases d’intervention dont les deux premières seront lancées en octobre prochain, où ils pourront exprimer au mieux leurs valeurs et leur vision architecturale.

 

Ouverture d’esprit et conscientisation

Avec leurs différents services, Atelier 80 se profile comme un partenaire global pour tout projet de construction, mais aussi ouvert d’esprit : « Tant que le projet est aligné avec nos valeurs environnementales, nous sommes ravis d’écouter vos propositions, quelque qu’elles soient ».

De même, Marine et Pierre tentent d’informer, notamment via leur site web et leurs réseaux sociaux, sur certaines thématiques particulières de la construction comme le choix de matériaux sains : « Comme pour toutes nos autres activités, nous ne prenons jamais une position de donneurs de leçons ».

En effet, le duo s’interdit tout jugement mais s’efforce plutôt de proposer un discours de conscientisation, qui leur permet de développer des thématiques qui leur tiennent à cœur, dans une profession qui souffre d’un manque de reconnaissance criant.

« En Belgique, le métier d’architecte d’intérieur n’est pas protégé, ce qui offre une certaine liberté mais également limite, notamment au niveau de la demande de permis. Surtout, cela donne parfois lieu à des confusions ou amalgames douteux : nous ne sommes pas décorateurs, même si certains architectes d’intérieur ont une sensibilité développée pour cet aspect précis, comme c’est le cas pour Marine. Il faut éduquer, même si le terme est un peu fort, le public et le secteur de la construction des qualités de chaque profession et comment les faire cohabiter de façon optimale pour tirer le meilleur profit de chacune », conclut Pierre.

 

 

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