Le gouvernement peut-il aider le secteur de la construction à évoluer vers une économie circulaire ? C’est ce que souhaite la région Bruxelles-Capitale en lançant l’appel à projets « Be Circular – Be Brussels » au sein du Programme Régional en Économie Circulaire (PREC). Cet appel permet de soutenir financièrement et techniquement les entrepreneurs dans leur transition vers une économie circulaire et de démontrer sa faisabilité par l’exemple. Architecte et gestionnaire de projet à Bruxelles Environnement, Yannick d’Otreppe accompagne les chantiers Be Circular.
Quel est le but de l’appel à projet Be Circular ?
Avec les projets Be Circular, Bruxelles Environnement veut investir plus dans la conception ou les travaux - donc l’humain - plutôt que dans l’achat de nouveaux matériaux ou la gestion des déchets. Nous offrons aux entreprises de construction des subsides pouvant aller jusqu’à 30 000 euros pour mettre en œuvre les principes de l’économie circulaire dans leur projet. Les chantiers sont très divers, allant d’un studio à un quartier entier en passant par des bureaux et des logements. Les subsides peuvent couvrir l’éventuel surcoût lié à la partie circulaire du chantier, mais ils servent surtout à inciter les gens à penser de manière circulaire. Appliquer l’économie circulaire dans le bâtiment n’est pas forcément plus cher, parfois c’est même moins cher. Cela a été le cas pour le projet Debatty de Gillion Construct dans lequel les portes ont été rénovées plutôt que d’être remplacées. La difficulté a été de trouver une entreprise de sous-traitance, mais le coût final était inférieur. L’idée est d’investir l’argent dans les équipes ainsi que l’économie locale et réelle, plutôt que dans la fourniture de matériaux. L’appel à candidature pour 2019 est ouverte.
Comment évaluez-vous la circularité des projets ?
Un bureau d’étude accompagne les projets avec nous, mais il est toujours difficile d’estimer les quantités dites « évitées ». Parfois, un chiffre net et précis est donné. Dans le projet Vandergoten de Valens, 60 000 briques ont pu être récupérées avant la démolition du bâtiment. La nouvelle mise à jour de TOTEM, un outil d’analyse de cycle de vie utilisé à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie, va bientôt nous permettre de calculer l’impact environnemental des matériaux réutilisés. Le savoir se perd au fil du temps. C’est pour cela que le projet Buildings As Material Banks (BAMB) introduit les passeports de matériaux qui listent toutes les caractéristiques des matériaux en vue des transformations futures du bâtiment. Pour moi, l’économie circulaire est beaucoup plus large que le réemploi des matériaux : la gestion des ressources humaines, les formations, les accompagnements, la mise en place de stratégies pour garder une intelligence collective en font aussi partie. Le BIM peut permettre d’intégrer ces aspects dans les projets.
Est-ce que certains matériaux sont plus faciles à réutiliser que d’autres ?
Dans tous les cas, l’obstacle principal reste le temps. Dans le projet de Horta ONSS de Louis De Waele, l’isolation a pu être réutilisée. La difficulté des matériaux de réemploi est d’obtenir les marquages CE, ATG ou autres labels de qualité. Pour l’isolation, l’entreprise a fait le test de la valeur λ pour la conductivité thermique au laboratoire du Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC) pour contourner cet obstacle.
Comment les projets Be Circular trouvent-ils des matériaux ?
Le réemploi, c’est aussi : savoir saisir les opportunités. Des liens entre les différents chantiers et clients se créent. Il faut ouvrir les oreilles et les yeux pour faire ce lien. Des plateformes existent comme Werflink ou Opalis. Néanmoins, une très bonne connaissance des matériaux de base est nécessaire pour les utiliser. C’est donc plus facile pour des entreprises qui ont des filières qui leur sont propres parce qu’ils maitrisent le matériau du début à la fin. Le mieux est encore le réemploi in situ.