L'intérêt pour la construction circulaire se développe petit à petit en Belgique. Mais cela ne veut pas dire pour autant que la construction circulaire soit un concept récent. De nombreuses structures 'sous pression' peuvent aujourd'hui être construites avec un minimum de matériaux, grâce à des principes qui remontent aux voûtes catalanes du Moyen Âge. Kris Blykers, du bureau d'architectes Blieberg, nous en dit plus sur le sujet.
Le matériau le plus circulaire est celui qui n'est ni extrait, ni traité ni jeté. En optimisant simplement la forme structurelle d'un bâtiment, la quantité de matériaux utilisés peut être fortement minimisée.
Les structures qui fonctionnent 'sous tension', comme les tentes dont Frei Otto a fait couvrir le stade olympique de Munich, sont souvent plus légères que les structures qui fonctionnent 'sous pression'. Mais ces dernières peuvent parfois aussi être exécutées de manière étonnante. Par exemple, grâce à des principes qui remontent aux voûtes catalanes de la fin du Moyen Âge.
Les voûtes romanes classiques en berceau, en croix ou en dôme sont construites avec des pierres en biseau et/ou des joints, qui sont placés sur un coffrage lors de l'érection de la voûte.
Les voûtes catalanes, quant à elles, sont construites à partir de carrelages ou de tuiles minces (généralement d'une épaisseur de 2,5 cm et d'un poids de 5 kg), qui sont collés avec un mortier à séchage rapide, sans coffrage, en deux ou plusieurs couches superposées, ou les uns contre les autres. Ils trouvent du support uniquement sur les tuiles placées juste devant eux. Le résultat : une voûte ultrafine.
Une voûte aussi mince utilise fatalement moins de matériaux qu'une voûte traditionnelle. De plus, en raison d'un poids inférieur, les poussées latérales sont également plus faibles, ce qui signifie que le matériau peut être à nouveau économisé au niveau des contreforts ou des murs de soutènement et au niveau des fondations1.
L'économie de matériau la plus incroyable - et invisible - réside dans la possibilité d'omettre le coffrage en bois. Cela demande un savoir-faire rare pour pouvoir construire des voûtes catalanes sans coffrage ni mortier, mais seulement avec des sangles et un 'œil de maçon'.
L'école de ballet de l'architecte Vittorio Garatti à La Havane (Cuba), construite au début des années 1960, est une véritable œuvre d'art. Le projet a été réalisé lorsque Cuba a souffert de l'embargo américain. La pénurie de ciment et d'acier qui en a résulté s'est révélée capitale pour la forme et la matérialisation du bâtiment: une succession de voûtes catalanes presqu'entièrement construites en terre cuite. Pour la construction de l'école, appel a été fait au savoir d'un maître constructeur barcelonais, transmis de père en fils, et à l'enthousiasme des constructeurs locaux désireux de contribuer à construire ce bâtiment, synonyme de rêve révolutionnaire.
C'est un exemple d'école de la façon dont le matériau, la forme et la résistance ont été réunis, ce qui intrigue encore les ingénieurs deux générations plus tard.
"La force par la géométrie" est le leitmotiv du Block Research Group de l'ETH Zurich. L'équipe de Philippe Block et Tom Van Mele souhaite proposer des solutions structurelles contenant le moins de matières premières nouvellement extraites et générant le moins possible d'émissions de CO2 lors de la production2.
Avec la réalisation de leur Armadillo Vault (voir photo ci-dessous) à la Biennale de Venise en 2016, ils ont fait une proposition fascinante et ingénieuse, basée sur les voûtes catalanes. Avec leur Funicular Floor System, ils ont traduit la proposition en une application pratique à la pointe de la technologie : une dalle de plancher sans une seule barre d'armature, fonctionnant uniquement 'sous pression'', 70% plus légère qu'une solution conventionnelle et inspirée des maîtres constructeurs médiévaux.
L'équipe du Block Research Group est composée de maîtres constructeurs d'aujourd'hui qui ont 'l'œil du maçon' et qui ont remplacer les cordes et les sangles par l'impression 3D et le 'computational form finding'.
1. Le comte d'Espie déclara en 1754 (!) qu'il n'y avait absolument aucune poussée latérale, parce que l'ensemble fonctionnait comme un tout monolithique. Sa prise de position a conduit à une véritable bataille entre les professeurs de l'époque.
2. L'architecte John A. Loomis a décrit en détail le projet de l'école artistique en 1999 dans son ouvrage Revolution of Forms: Cuba's Forgotten Art Schools.