Comment quantifier la circularité dans la construction ?

L’économie circulaire est de plus en plus citée comme une solution pour réduire l’impact environnemental du secteur de la construction, mais comment pouvons-nous être sûrs que les résultats sont prometteurs ? En cherchant des outils belges pour quantifier la circularité des bâtiments, j'ai rencontré Toon Possemiers, PDG de Cenergie. Cette agence d’expertise en développement durable a développé C-CalC, un outil permettant de mesurer le degré de circularité d’un projet.

Comment fonctionne l'outil que vous avez développé pour mesurer la circularité des bâtiments ?

Nous utilisons C-CalC soit au début de la phase de conception, pour évaluer différents scénarios, soit à sa fin, pour attribuer un score. Nous attribuons un score dans trois domaines : les matériaux, la gestion et l’adaptabilité. Pour les matériaux, nous évaluons leurs quantités, leur impact environnemental, leur provenance et s’ils peuvent être réutilisés. Nous nous basons sur TOTEM pour le calcul de l’impact, mais il n’est pas toujours facile de s’écarter des solutions standards ou de choisir des types de matériaux spécifiques. Auparavant, nous avons utilisé les classifications environnementales NIBE et le logiciel SimaPro. Pour la gestion, nous examinons comment toutes les informations sont stockées et partagées. Cela peut être fait, par exemple, via un modèle BIM, qui stocke les données dans des passeports de matériaux. Pour l'adaptabilité, nous examinons comment les matériaux peuvent être récupérés sans les endommager.

 

Comment mesurez-vous la circularité de manière quantitative ?

Afin de pouvoir "mesurer" la circularité, notre approche est pragmatique : nous voulons appliquer tous les principes de base le plus efficacement possible. Avec notre outil, nous souhaitons immédiatement fournir une assistance aux concepteurs, aux entrepreneurs et aux développeurs de produits. Nous aurions aussi pu opter pour une approche plus académique, mais nous en aurions alors pour quelques années de développement. Nous voulions mettre rapidement un outil solide sur le marché. Nous sommes conscients de certaines critiques de l’outil, mais nous ne pouvons pas attendre que tous les détails aient été cristallisés. A mon avis, la discussion sur certains principes est encore loin d’être terminée : quoi de mieux, par exemple, vis à bois (approche plus européenne) ou clous (approche plus américaine) ?

 

Un bâtiment peut-il être complètement circulaire ?

Aujourd’hui, le bâtiment complètement circulaire n’existe pas. Idéalement, nous voulons fermer la boucle autant que possible, réutiliser des matériaux de site de démolition et les employer de manière à ce qu'ils puissent être réutilisés à la même valeur à la fin de vie du bâtiment. Un bâtiment ne peut pas être complètement circulaire. Selon moi, il n'est pas encore possible d'utiliser des matériaux 100% inoffensifs pour l'environnement et 100% réutilisables. Il n’est pas encore possible non plus de rassembler et diffuser les informations tout au long du processus afin que tout le monde sache ce que le bâtiment a à offrir à tout moment. Nous essayons de conseiller les architectes, les constructeurs et les entrepreneurs afin de maintenir la circularité la plus optimale possible dans les trois domaines (ndlr : matériaux, gestion et adaptabilité).

 

Comment pouvons-nous techniquement maintenir la circularité le plus haut possible dans un bâtiment ?

Nous pouvons le faire en donnant la priorité au désassemblage, à l'adaptabilité et à l'utilisation de matériaux non-composites. Le pavillon Belge à Milan en 2015 a été complètement démonté. L'intention est de le reconstruire entièrement à Namur. Ses éléments sont actuellement stockés en Italie et en Belgique. À Mundo-a à Anvers, nous avons choisi de tout construire en bois plutôt que du béton armé qui empêche de séparer l’acier du béton par après. Théoriquement, la structure en bois peut ainsi être complètement déconstruite sans dommage pour être réutilisée ailleurs. Tous les murs intérieurs proviennent de 3 bâtiments différents à Bruxelles. À Aquafin, à Aartselaar, le nouveau siège social est en partie construit avec des matériaux provenant de deux bâtiments en cours de démolition sur le site. Nous enregistrerons tous les flux de matériaux dans les nouveaux bâtiments par leurs passeports de matériaux.

 

Quelles difficultés rencontrez-vous pour appliquer la circularité dans la pratique ?

La façon de travailler est complètement non-circulaire aujourd'hui. Les acteurs du secteur de la construction veulent produire, installer et vendre le plus rapidement possible. Le modèle économique actuel doit donc complètement changer. Nous testons un autre modèle dans le centre de soins à Haacht : le fournisseur de bois resterait propriétaire du bois pendant 30 ans. Lorsque le bâtiment devra diminuer de taille ou au contraire s'agrandir, le fournisseur de bois viendra respectivement chercher ou livrer le bois. Malheureusement, le marché n'est pas prêt pour cela. Tout d’abord, c’est très difficile d’un point de vue juridique. Le risque est placé du côté des fournisseurs. Cela fonctionne plus facilement avec l'éclairage qu'avec les matériaux structurels : “light as a service” a déjà été utilisée auparavant. Deuxièmement, c'est très difficile financièrement. Chaque fournisseur ou entreprise de construction veut vendre son stock le plus rapidement possible et ensuite acheter le prochain stock. Dans le cas présent, les fournisseurs de bois doivent acheter le stock de bois aujourd’hui alors que leurs revenus sont répartis sur 30 ans. C’est donc aux fournisseurs de prendre en charge le coût d'investissement. Je pense que 99% des entreprises préfèrent obtenir 100 € maintenant que 10 €/an avec frais d’utilisation et intérêts pendant 10 ans.

 

Qui peut stimuler un secteur de la construction circulaire ?

Les gouvernements peuvent imposer certaines choses ou promouvoir des outils tels que C-CalC. Si chaque nouveau bâtiment doit avoir un label, par exemple, nous obligerons les concepteurs et les entrepreneurs à penser et à construire de manière circulaire. Les gouvernements peuvent également s'attaquer aux obstacles juridiques et financiers. A bon entendeur !

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