Depuis des décennies, nous produisons des matériaux à partir de ressources naturelles sans tenir compte des conséquences environnementales. Le plastique, le béton et les composites sont des exemples de tels matériaux. Mais que se passerait-il si nous pouvions les remplacer par des matériaux véritablement durables, circulaires et biodégradables ? Elise Elsacker, chercheuse dans les groupes de recherche Génie architectural et Microbiologie de la Vrije Universiteit Brussel, a étudié les possibilités et découvert que les moisissures ont un grand potentiel dans ce contexte.
L'industrie manufacturière traditionnelle, largement basée sur les combustibles fossiles et les matières premières, est de plus en plus remise en question. La pollution environnementale et la raréfaction des ressources naturelles ont ainsi suscité un intérêt accru pour le développement de matériaux plus durables. D'une part, nous avons une abondance de matériaux synthétiques qui se dégradent trop lentement, comme le plastique, et d'autre part, l'industrie agricole génère beaucoup de déchets de biomasse qui sont actuellement brûlés. Elise Elsacker est convaincue que nous devons nous concentrer davantage sur les matériaux circulaires et biodégradables. Selon elle, des champignons ou des moisissures pourraient former de tels matériaux biologiques. Ces organismes sont omniprésents dans les écosystèmes naturels et passent la plupart de leur vie sous terre.
Ce sont en fait les racines blanches des champignons, appelées mycélium, qui peuvent apporter la solution. Elles sont capables de former une sorte de colle entre les particules de différents matériaux biologiques, tels que la paille ou la sciure, afin de faire pousser des coproduits mycéliens, des produits biodégradables présentant un grand potentiel pour le secteur du bâtiment. Cependant, il faut encore beaucoup de recherches pour savoir exactement quels flux biologiques (résiduels) peuvent être transformés en matériaux de construction en laissant le mycélium s'y développer. Il existe également différents types de mycélium. « Il est nécessaire d'approfondir les connaissances scientifiques sur les processus de culture et de production avant que ces biomatériaux ne jouent un rôle dans notre vie quotidienne », selon Elise Elsacker.
Dans le cadre de son doctorat, elle a étudié, sous la direction des professeurs Lars De Laet et Eveline Peeters, les facteurs qui influencent les propriétés biologiques et matérielles des matériaux mycéliens. Elle souhaite ainsi explorer les possibilités de nouvelles techniques de production pour les applications architecturales du mycélium. « Pensons aux structures temporaires, à l'isolation, aux murs intérieurs et au mobilier biodégradables », explique M. Elsacker.
Base pour de nouvelles recherches
Ses recherches donnent un large aperçu des différents aspects qui jouent un rôle dans la production de composites cultivés avec du mycélium. Il existe quelques millions d'espèces différentes de champignons et donc de mycéliums, c'est pourquoi Elise Elsacker a développé une méthode de sélection des champignons basée sur des critères de performances biologiques, chimiques et mécaniques. Elle a ensuite étudié l'interaction entre les champignons et les fibres ainsi que les propriétés matérielles de ces composites avec différents types de fibres naturelles. Elle a étudié comment améliorer les propriétés structurelles des matériaux mycéliens en ajoutant divers additifs et en comprimant le matériau en panneaux. En outre, Elise Elsacker a mis au point un nouveau procédé de fabrication pour la production de coffrages architecturaux à l'aide de robots et a expérimenté l'impression 3D de matériaux à base de mycélium. Les travaux d'Elise Elsacker servent de base à de nouvelles recherches et à de nouvelles applications.
Allons-nous à l’avenir pouvoir tous nous asseoir sur des chaises en champignons ? Probablement pas, pense Elise Elsacker. « Bien que les matériaux mycéliens soient prometteurs, l'objectif n'est pas de remplacer tous les matériaux synthétiques par des biomatériaux à croissance autonome. Nous ne devons jamais oublier les principes à la base de la circularité : le mycélium se nourrit de flux de déchets. La production de matériaux de mycélium dépend donc de la disponibilité de ces flux de déchets produits localement. Les matériaux du mycélium constituent cependant un point de départ pour de nouvelles découvertes sur la biodiversité, la circularité et les solutions basées sur la biologie. »
En outre, les champignons peuvent également nous aider à résoudre d'autres problèmes environnementaux, comme la culture de substituts du cuir, le colmatage des fissures dans le béton et même la lutte contre la pollution par les métaux lourds et les déchets radioactifs. La fascination pour le comportement sophistiqué du mycélium s'est déjà étendue à la Vrije Universiteit Brussel avec de nouveaux projets de recherche interdisciplinaires.
Si vous souhaitez obtenir plus d'informations, veuillez envoyer un courrier électronique à elise.vanden.elsacker@vub.be ou consulter cette page.