Entretien avec un lauréat de l’appel à projets « Chantiers et services circulaires » : Tradecowall

Tradecowall est une figure établie dans le paysage du secteur de la construction en Wallonie : l’entreprise récupère, gère et valorise de façon durable les déchets de construction et déconstruction, avec pour mission finale de les réintégrer dans le circuit de production. Sa section Recherche et Développement performante est responsable de nombreux projets et programmes innovants dans cette filière. L’un deux, Fibfreecem, est l’un des lauréats de l’appel à projets « Chantiers et Services Circulaires ». Archibald Carlier, ingénieur chargé de projets chez Tradecowall, s’est entretenu avec Joaquim Dupont pour Circubuild. Il dévoile les objectifs de Fibfreecem ainsi que la vision de son entreprise dans le secteur de la construction.

Joaquim Dupont : pour commencer, pouvez-vous présenter votre entreprise et ensuite le projet Fibfreecem ?

Archibald Carlier : Tradecowall, qui signifie TRAitement des DEchets de COnstruction en WALLonie, est une société coopérative d’intérêt général. Elle rassemble de nombreux coopérateurs impliqués dans la construction en Wallonie, et repose sur un actionnariat public-privé, très particulier pour ce secteur. Notre mission consiste à gérer et valoriser les déchets de construction en Wallonie.

Nous avons trois volets d’activité :

  • Gestion des terres de déblai, remblai, terrassements, …
  • La valorisation de déchets inertes de construction (béton, briques, bitume, tuiles…)
  • Une section Recherche et Développement

Le projet Fibfreecem a d’ailleurs été mené par notre section R&D, et le nom fait référence au matériau ciblé, le fibre-ciment libre d’amiante. Il consiste en la création d’une filière de valorisation pour un type de déchets qui n’est actuellement pas encore valorisé. Pour l’instant, nous sommes toujours dans les premières phases de développement, et nous nous concentrons sur deux types de déchets : les tôles ondulées et les ardoises.

 

J.D : Qu’entend-t-on par fibre-ciment ?

A.C : Pour faire simple, il s’agit d’un matériau qui a remplacé l’amiante-ciment. Pour caricaturer, les producteurs ont simplement changé la recette, en gardant les mêmes moules de fabrication. Il est donc très difficile de faire la distinction entre les deux, et par prudence, les deux déchets sont évacués ensemble, avant d’être enterrés en CET[1] de classe 2, ce qui est assez problématique. Premièrement, parce qu’il n’y en pas beaucoup en Wallonie, donc les capacités sont assez limitées, ce qui implique aussi que cela devient de plus en plus cher d’y mettre des déchets. Ensuite, d’un point de vue légal, il n’est pas vraiment autorisé de placer des déchets inertes en CET, il règne un certain flou juridique sur la question.

On a rapidement constaté une demande importante des professionnels pour une autre gestion de ces fibres-ciment. De nombreuses professions, comme les couvreurs, y sont confrontés : ils sont souvent face à des plaques de fibres-ciment, qu’ils savent pertinemment ne pas être de l’amiante, mais sont obligés de le traiter comme tel, et donc de payer le prix fort.

 

J.D : Comment Fibfreecem compte-t-il apporter une solution à ce problème ?

A.C : Tout d’abord, nous voulons définir une marche à suivre, un mode opératoire pour capter le déchet sur chantier, le contrôler pour être sûr qu’il est bien sans amiante et donc sans danger pour ceux qui le manipulent, avant de le ramener jusqu’au centre de recyclage. Ensuite, il faut trouver une façon de valoriser le déchet, ce qui ne nous fait pas peur : il s’agit d’un produit qui se recycle bien, composé en grande partie de ciment. Enfin, il reste un volet qui s’apparente plus à une mission de communication autour de cette nouvelle manière de faire, pour apprendre aux professionnels à prendre soin de ces déchets pour qu’ils nous parviennent non-contaminés.

 

J.D : Avez-vous déjà des pistes pour une ou des façons de réintégrer ces déchets dans les circuits ?

A.C : Pour le moment, ce n’est pas encore établi avec certitude, mais une approche se dégage. Il s’agirait de réduire ces déchets en poudre, pour qu’ils ne soient pas confondus avec de l’amiante, avant de le réintégrer dans des produits presque finis, comme des blocs de béton.

 

J.D : Une fois la filière établie, quel sera le prochain objectif ?

A.C : De prouver que la valorisation de ce type de déchets fonctionne ! C’est une démarche qui n’existe nulle part en Belgique, ni en Wallonie, ni en Flandre, et nous voulons montrer que c’est possible. Quand cette porte sera ouverte, les initiatives vont se multiplier. Au final, même si cela sonne un peu consensuel, nous voulons participer à un secteur de la construction durable et en adéquation avec son époque, notamment en limitant l’enfouissement de déchets en CET.

 

J.D : Vous êtes soutenus par Circular Wallonia et avez été sélectionné comme projet lauréat de l’appel à projets « Chantiers et services circulaires ». Vous bénéficiez d’un accompagnement de votre projet pendant 2 ans. Quels avantages retirez-vous de votre sélection et de cet accompagnement ?

A.C : Le plus important à nos yeux chez Tradecowall, ce sont les rencontres. Ce nouveau comité a permis de créer un groupe très motivé et motivant. C’est inspirant de se rendre compte que les choses évoluent, dans le bon sens. Même si les projets sont parfois fort différents, le fait de partager avec d’autres acteurs qui suivent un même objectif offre une ouverture d’esprit et une réflexion sur sa propre façon de travailler, et ça ne peut être qu’enrichissant.

 

J.D : Lors de notre 1er entretien avec un membre du Comité, Adrien Meirlean, directeur de la menuiserie RespecTable, il nous avouait avoir souffert d’un manque de considération lorsqu’il avait lancé son propre projet. Avez-vous ressenti un sentiment similaire ?

A.C : Non, et c’est même plutôt l’inverse : vu qu’on répond à une demande de nombreuses professions de la construction, on est même plutôt encouragés. On se sent portés par le secteur, qui a besoin de solutions pour ce problème. Nous ne pouvons d’ailleurs que nous en réjouir, et cela nous motive d’autant plus à concrétiser tous les objectifs de Fibfreecem.

 

 

Pour plus d’informations sur ce projet (et d'autres par la même occasion), nous vous invitons à visiter le site officiel de Tradecowall.

 

Tradecowall a aussi récemment été désigné comme lauréat du Circubuild Award, n'hésitez pas à découvrir ici ce qui a motivé Retrival à leur transmettre le trophée. 

 

[1] Centre d’Enfouissement Technique

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