Un programme bien chargé

La Ferme de l’Epine sera elle-même rénovée pour accueillir l’espace restaurant ainsi que la plus grande salle de réunion. Le nouveau bâtiment, qui est en cours de construction le long du Boulevard de Wallonie, accueillera les espaces de bureaux, salles de réunions ainsi que les espaces de rencontre. Pour les amoureux des chiffres, on parle ici d’un projet de 2300 m² hors-sol (dont 1350 m² pour les bureaux uniquement), ainsi que 900 m2 en sous-sol, pour le parking de 26 places.

Le sous-sol, qui repose sur des semelles filantes et des plots de fondation, a été construit en béton, mais en apportant une attention particulière à son optimisation, au vu de l’empreinte carbone du matériau. Plus loin dans cet article, nous vous expliquerons ce qui fait de ce parking un élément fort du projet Mundo LLN. En ce qui concerne la partie hors-sol, l’équipe de conception a opté pour des portiques en acier, ainsi que des planchers Kerto-Ripa en bois.

Le chantier a débuté en mai 2022 et le maitre d’ouvrage espère pouvoir accueillir tous ses futurs locataires en septembre 2023. Julien Willem, ingénieur de formation et Project Manager pour Mundo-Lab, est conscient du timing serré pour ce projet, mais se veut rassurant : « Nous sommes convaincus de pouvoir respecter ces délais. Pour cela, nous comptons optimiser le planning, notamment en instaurant un phasage cohérent entre les équipes « techniques spéciales » et finitions ».

Go the Extra Mile : une ossature en acier de récupération

L’utilisation d’une ossature acier de récupération constitue sans conteste l’aspect circulaire le plus impressionnant du projet Mundo LLN. Il s’agit ici d’une première en Belgique, et seuls quelques projets en Europe s’y sont frottés. Pour Julien Willem et son équipe, la réflexion sur ce sujet a pris forme en juin 2021, notamment au vu de la conjoncture économique particulière, due à la pandémie :

« Notre idée originelle était de construire le bâtiment sur une structure de poteaux-poutres en bois. Par conviction écologique, nous n’aurions jamais eu recours a de l’acier neuf pour des éléments structurels. Mais dans la situation particulière de 2021, nous avons réfléchi à la possibilité d’utiliser une ossature acier de récupération ».

Si ce genre d’entreprise est extrêmement rare (pour ne pas dire quasi-inexistante), c’est parce qu’elle implique de nombreuses responsabilités, en termes de stabilité notamment, comme l’explique Julien Willem : « Dans un projet ‘‘classique’’, il est d’usage de laisser ces responsabilités au bureau d’études de stabilité, et de ne pas s’immiscer avec des propositions alternatives. Encore moins si les éléments structurels sont issus du réemploi ! ».

Julien Willem et son équipe ont ensuite proposé leur idée aux autres acteurs du projet, le bureau d’architecture ainsi qu’au bureau d’études en stabilité Matriche, qui se sont dit par cette perspective innovante. « Nous tenons d’ailleurs à les remercier pour leur ouverture d’esprit, ils n’étaient pas du tout obligés de nous suivre dans cette aventure. Mais ils se sont immédiatement montrés emballés, ce qui nous a évidemment ravis », ajoute l’ingénieur de Mundo-Lab.

Après l’idée, la réalisation

Matriche ne possédant malheureusement pas de fournisseurs d’éléments structurels acier de réemploi, c’est Julien Willem lui-même qui s’est lancé dans la recherche, pour finir par trouver un fournisseur aux Pays-Bas, Swanenberg, possédant plus de 800 tonnes de profilés métalliques de récupération, catalogués précisément dans leur base de données (taille, poids, état d’usure, etc…). « Je me suis ensuite lancé dans une mission minutieuse de recoupement, entre les types de profilés disponibles chez le fournisseur, et ceux demandés dans le bordereau de Matriche afin de trouver les matériaux adéquats », se rappelle le chef de projet.

En sa qualité de maître d’ouvrage, Mundo-Lab s’est chargé d’acheter les profilés sélectionnés, avant de trouver en l’entreprise hennuyère Acier Grosjean un partenaire capable de stocker les matériaux, de les grenailler,[2] ainsi que de leur appliquer une peinture antirouille.

 Enfin, l’équipe de Mundo-Lab s’est attelée au contrôle de la qualité de l’acier récupéré, une mesure de sécurité nécessaire vu l’utilisation préalable des matériaux et pour rassurer tous les acteurs du projet. Tous les tests ont été réalisés en collaboration avec le bureau de contrôle Seco Belgium :

« Nous avions pris la responsabilité de fournir les profilés de réemploi, ce qui impliquait que nous étions aussi responsables d’en vérifier la qualité.  La provenance et les caractéristiques de ces matériaux étant inconnus, il était impératif de confirmer leur résistance, leur soudabilité et leur état de fatigue. En effet, nous avions malheureusement découvert que certains des profilés avaient auparavant été utilisés comme ponts-roulants et donc soumis à des efforts dynamiques. Il était également nécessaire d’effectuer des réassemblages des profilés du fournisseur pour atteindre les longueurs de ceux demandés par le bureau d’études ».

Après tout ce travail préparatoire, Mundo-Lab devait encore trouver un entrepreneur pour l’exécution des travaux. Leur choix s’est porté sur l’entreprise Gillion Construct qui ont eux-mêmes désignés l’entreprise Rose’s Natural Homes qui s’est expressément occupée de la mise en place des profilés métalliques. Cette dernière a passé contrat avec l’entreprise Grosjean, qui leur fourni les profilés de réemploi prêts à la pose sur chantier : assemblés, découpés et avec les platines en place.

D’autres éléments de réemploi

Si l’ossature en acier de réemploi s’apparente au point d’orgue circulaire du projet Mundo LLN, Mundo-Lab s’est également démené pour utiliser un maximum d’éléments de réemploi de manière générale. Premièrement, des carreaux de ciment ont été récupérés dans un des anciens bâtiments de la Ferme de l’Epine et devraient être réintégrés dans le nouveau projet, soit dans les kitchenettes d’étage pour les locataires, soit au niveau du sol de l’espace d’entrée. Il s’agit d’ailleurs du seul élément de réemploi in situ, une façon également de rendre hommage à l’ancien bâtiment.

Pour incorporer un maximum de matériaux de réemploi dans leurs projets, Mundo-Lab s’appuie aussi sur de nombreuses récupérations ex situ, notamment de ses autres chantiers. L’entreprise dispose également d’un réseau d’acteurs immobiliers, actifs pour la plupart à Bruxelles, qui les contactent spontanément lorsqu’ils découvrent, sur un chantier de démolition ou de déconstruction, des matériaux pouvant les intéresser pour un futur réemploi. C’est le cas pour 120 luminaires destinés à être installés dans le projet à Louvain-La-Neuve, mais récupérés il y a déjà plus d’un an : 

« Ces doubles luminaires ont déjà 10 ans et sont consommateurs en énergie. Nous sommes néanmoins capables de les transformer, à l’aide d’un driver externe professionnel et de tubes LED 40V DC bien moins énergivores. Ces armatures récupérées vont donc nous fournir un éclairage professionnel avec des tubes qui pourront être remplacés lors de leur fin de vie. Nous controns ainsi la tendance du marché à vouloir impérativement mettre en œuvre des solutions avec des LED intégrées qui obligent à remplacer la totalité du luminaire au bout d’un nombre d’heure d’utilisation ridicule comparé à ce que nous parvenons à faire avec ce réemploi », explique Julien Willem.

Tous les sanitaires seront également de réemploi, comme certains planchers en bois récupérés par BatiTerre. En ce qui concerne le volet « finitions » du projet, de nombreuses possibilités sont encore à l’étude : « Nous espérons encore récupérer des dalles de faux-plancher et nous avons déjà extraits des boîtes de sol, il y a à peine quelques semaines », confirme Julien Willem.

Un parking souterrain prêt à être réinventé

Nous vous l’annoncions en ouverture d’article, le parking de 26 places en sous-sol de Mundo LLN représente un autre élément fort du projet. Convaincu que la mobilité est destinée à se réinventer dans un avenir proche, l’équipe de conception du bureau A2M et l’ingénieur de Mundo-Lab désiraient que ce parking soit transformable et adaptable à moindre coût (et à moindre effort). Pour cela, la hauteur sous plafond de ce parking a délibérément été augmentée, pour répondre à des conditions semblables à un environnement de bureaux.

La déclivité du Boulevard de Wallonie offrait également une occasion parfaite pour ce genre de transformation potentielle : « Tout le long de ce boulevard, nous avons fait installer une structure en poteaux-poutres, avec un remplissage en prémur. La majorité des prémurs ne reprennent donc que la charge actuelle de la poussée des terres et les joints entre ces éléments et les porteurs sont bien clairs. Cela permettra de créer facilement des grandes ouvertures ou des cours anglaises, apportant la lumière naturelle nécessaire à une autre fonction. Dans cette optique, nous nous sommes également assurés de ne pas enterrer de techniques, comme des descentes d’eaux pluviales, devant ces murs. Le terrain à cet endroit peut donc être terrassé sans problème ».  

Mundo-Lab ne dispose encore d’aucun permis pour cette potentielle transformation, mais a parfaitement préparé le terrain : « Nous sommes certains que nous allons devoir repenser totalement la mobilité, à court ou moyen terme. Nous avons donc décidé d’anticiper », conclut Julien Willem.

Un projet exemplaire 

Alors que la construction circulaire se développe encore péniblement en Wallonie, Mundo-Lab et les nombreux acteurs impliqués dans le projet Mundo LLN démontrent que l’innovation et la prise d’initiative peuvent faire avancer le secteur. La réalisation d’une ossature acier complète à partir de profilés de réemploi représente une véritable révolution en termes de circularité, qui ne doit pas occulter tous les autres efforts circulaires du projet, comme les nombreux autres éléments de réemploi et la modularité du parking.

Mundo LLN ouvre la voie à de nouvelles expérimentations circulaires, ce qui mérite d’être reconnu à sa juste valeur. A d’autres acteurs de la construction de s’y engouffrer.

[1] Pour l’anecdote, la Ferme de l’Epine fait partie du patrimoine historique et a longtemps abrité l’ULYC (University of Louvain Yacht Club). Mundo-Lab a d’ailleurs signé une promesse d’emphytéose avec l’Université de Louvain, propriétaire du bâtiment.

[2] Projeter, à l’aide d’une grenailleuse, des micro-billes sur une surface pour en modifier la structure superficielle.