Icontech : la modularité comme réponse
Le secteur de la construction fait aujourd’hui face à d’importants défis : transition écologique, accessibilité au logement, manque de main d’œuvre… Là où certains voient des obstacles, d’autres perçoivent des opportunités. Denis Lefébure, Laurent Valentin et Philippe Lebordais font partie de cette caste d’entrepreneurs innovants. Ensemble, ils ont lancé leur entreprise Icontech, active dans la conception, la fabrication et l’installation de modules constructifs tridimensionnels circulaires. Pour ce premier grand format Circubuild de 2024, Philippe Lebordais, CEO d’Icontech, a levé le voile sur le parcours, la philosophie et les ambitions de son entreprise.
Ingénieur de formation mais se qualifiant lui-même d’« entrepreneur dans l’âme », Philippe Lebordais a imaginé, avec ses 2 compères, un concept de module constructif, étirable dans les trois dimensions, en intégrant à une entreprise de construction générale les standards de l’industrie manufacturière : « A l’heure actuelle, les secteurs de la construction et celui de l’industrie manufacturière ne communiquent pas, et évoluent quelque peu en vase clos ». Le secteur de la construction a besoin de rattraper son retard, et d’intégrer de nouvelles façons de travailler, s’il veut réussir sa transition écologique. Leur module universel breveté répond à ce besoin de changement.
Le Off-site et ses avantages
Les modules sont conçus par modélisation 3D et sont – en grande partie – construits en usine, avant d’être transportés sur le site de construction. Ils sont ensuite assemblés, à la manière de blocs Lego, les uns avec les autres par grue. Sur site, il ne reste qu’à effectuer les connexions entre les techniques et les différentes finitions intérieures et extérieures. Philippe Lebordais détaille les avantages de cette démarche de construction particulière :
« Au-delà de l’amélioration des conditions de travail pour nos employés, qui travaillent majoritairement dans notre usine, le off-site réduit considérablement le temps passé sur chantier, et les aléas liés à celui-ci : les retards dus aux intempéries, les vols de matériel, les complications liées au transport quotidien du personnel et des matériaux, les nuisances pour les riverains. D’un point de vue logistique et économique, c’est tout simplement incomparable avec les méthodes de construction traditionnelles ».
En effet, les modules constructifs Icontech, qui permettent une construction bien plus rapide que les méthodes classiques, constituent également une réponse à l’envolée des prix du marché immobilier, qui exclut les jeunes et les moins fortunés.
Aller plus loin dans la préfabrication
Toujours dans l’optique de réduire le temps passé sur chantier, Philippe Lebordais et son équipe ont développé un système de levage, qui permet de tirer sur le module, sans induire de déformation. Par conséquent, en usine, les ouvriers d’Icontech peuvent pousser les parachèvements le plus possible : « Nous pouvons fournir un module déjà équipé : châssis, vitres et carrelage posés, mais aussi cuisine ou salle de bain complètement installée », confirme fièrement le CEO.
Des constructions à coûts objectifs
Les modules Icontech se veulent accessibles à un public aussi large que possible. Pour s’en assurer, les 3 dirigeants ont pris la décision de faire de la ‘conception à coûts objectifs’. « Nous concevons chaque bâtiment avec les ingénieurs, les architectes et le maitre d’ouvrage impliqués, pour arriver à un optimum en termes de coût, qualité, et délais, une approche classique dans l’industrie manufacturière ». Fini donc les mauvaises surprises de coûts qui s’envolent pendant l’exécution, tout est établi en amont et validé par les différents acteurs.
Liberté de design et applications multiples
L’entreprise Icontech a pour ambition d’offrir aux architectes ou aux maitres d’ouvrage une liberté maximale au niveau de la conception. « Puisque nos modules sont conçus via des outils de simulation 3D, cela facilite largement les adaptations à des demandes ou des contraintes particulières. Ils sont étirables dans les 3 dimensions[1]. Cette adaptabilité constitue l’un de ses principaux avantages », souligne d’ailleurs Philippe Lebordais.
Le module est toujours composé d’un squelette acier, d’une dalle béton et de parois et toitures en ossature bois Les 3 ingénieurs ont opté pour ces différents matériaux en raison de leur qualités intrinsèques : l’acier pour sa précision et sa rigidité, le béton pour son inertie thermique, sa solidité et ses qualités de rendu, et enfin le bois pour son aspect durable.
En outre, les modules se prêtent à différents types de constructions : pour des immeubles et des habitations unifamiliales donc, mais également pour des bâtiments publics / de bureaux, des ecoloft ou encore pour des rehausses de bâtiment. Ces dernières sont d’ailleurs à l’origine d’un modèle modifié, spécialement adapté à ces constructions : « Au vu de la demande pour des rehausses de bâtiments, notamment à Bruxelles, nous avons développé une version de notre module avec un plancher léger, en lieu et place du plancher béton de la version ‘classique’. Cela en réduit la masse, et donc les efforts sur les fondations ». De nouveau, grâce au travail off-site, les délais de mise en œuvre demeurent très courts, permettant ainsi de limiter les nuisances pour les occupants du bâtiment.
Une durabilité exemplaire
« Nous sommes très attentifs aux méthodes et aux matériaux que nous sélectionnons, pour minimiser notre empreinte écologique globale », souligne Philippe Lebordais. Il ajoute : « Nos modules atteignent des performances énergétiques exemplaires, qui offrent un confort thermique irréprochable. Ils peuvent également être équipés de fenêtres en triple vitrage et d’un système de ventilation double-flux, leur permettant d’atteindre les critères pour une labellisation passive ».
Les modules constructifs Icontech s’inscrivent donc dans la vision écologique des trois fondateurs. Ils sont entièrement démontables et la majeure partie des matériaux utilisés peuvent être réutilisés dans des circuits courts. Pour contrôler cette phase de démontage et assurer un réemploi maximal, celle-ci se déroule également en usine.
Logements sociaux et écoles : le modulaire au service de la collectivité
L’entreprise carolo entend se profiler comme un partenaire privilégié pour les marchés publics, plus particulièrement pour des projets de bâtiments scolaires ou de logements sociaux, comme l’explique le CEO : « En proposant des modules « standards », productibles à la chaine, nous pouvons offrir une solution innovante, durable et économique pour la construction d’écoles et de logements sociaux ». Cet aspect fait partie des objectifs ESG d’Icontech, déterminée à avoir un impact social positif : « C’est également une façon de trouver du sens à notre travail, avec des projets valorisants pour notre équipe », ajoute-t-il.
De plus, vu que les modules permettent une mise à disposition très rapide, ils constituent une solution toute indiquée, pour réduire l’attente parfois très longue pour les bâtiments publics.
Guideline disponible
Les 3 fondateurs ont publié un document explicatif pour architectes divisé en 3 parties : une description du système constructif, une bibliothèque de détails techniques, et une série de propositions de modules standards pour bâtiments sociaux. Pour ce document, ils ont fait appel à plusieurs bureaux d’expertise externes et collaboré intensivement avec Buildwise[2], un gage de qualité et de sécurité non-négligeable.
Ambition déclarée
Philippe Lebordais le sait, il leur faudra encore déployer énormément d’efforts pour convaincre le secteur de la plus-value de leurs solutions modulaires. Cela passe par de l’information, pour expliquer que leurs solutions modulaires constituent un outil complémentaire à la construction traditionnelle, et non pas en compétition avec celle-ci. « Nous voulons devenir les meilleurs assembleurs de modules tridimensionnels, en effet, mais notre modèle économique se base sur des partenariats avec des entreprises générales et des cabinets d’architectes », précise-t-il.
Les dirigeants d’Icontech s’attendent à un long processus, le secteur de la construction étant connu pour sa frilosité face au changement. Ils demeurent pour autant optimistes : « il est vrai que notre proposition se place en rupture avec les méthodes traditionnelles du secteur, mais il y a déjà de nombreux entrepreneurs et bureaux d’architectes prêts à mettre en œuvre nos modules. Nous allons donc continuer à répandre la bonne nouvelle, et convaincre les autres », conclut Philippe Lebordais.
[1] Pour être précis, jusqu’à 12.5m en longueur, 4.25m de largeur, et jusqu’à 6 étages de hauteur.
[2] Anciennement CSTC/WTCB