En 2011, la Commission Européenne lançait sa feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources (“Roadmap to a Resource Efficient Europe”). Il s’agissait de gérer les ressources de manière durable, au sens large. L’innovation devait être au centre de cette stratégie européenne. C’est à cette période environ que le secteur briquetier a amorcé la dématérialisation de ses produits. Cela consiste à réduire au maximum l’épaisseur des matériaux de terre cuite, tout en garantissant la même fonctionnalité et la même qualité. D’autres innovations faisaient également leur apparition, notamment dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments : les systèmes de plaquettes en terre cuite posées sur des panneaux d’isolant thermique.
En dix ans, les stratégies européenne et locale ont lentement glissé vers un seul point d’attention : la circularité au travers de la réutilisation des matières premières et des produits. Le secteur des matériaux de terre cuite y voit une stratégie d’avenir permettant de diminuer la pression sur les matières premières ; il développe des systèmes constructifs qui faciliteront le réemploi futur des briques de parement.
Cependant, comme expliqué en introduction du numéro 4/2021 (décembre 2021) du magazine 'Terre Cuite et Construction', participer à la construction de bâtiments à très longue durée de vie reste imprimé dans l’ADN du secteur. Dès lors, en matière d’innovation et de développement durable, les fabricants continuent aussi d’agir sur d’autres fronts, en accord avec la défi nition première de “resource efficiency” : assurer la même fonction avec moins de matières premières. Le secteur a donc choisi d’avoir plusieurs cordes à son arc afin de pouvoir proposer des solutions techniques personnalisées à chaque projet.
La Fédération Belge de la Brique propose donc de passer en revue ces différentes innovations du secteur.
Le secteur a débuté de longue date la dématérialisation de ses produits. Des matériaux terre cuite plus minces permettent de réduire de 25 à 30% l’utilisation en matières premières et matériaux (en ce compris le mortier de mise en œuvre) et en énergie. De nombreux fabricants de briques de parement proposent aujourd’hui un format de brique plus étroit qu’un format classique. La dématérialisation des blocs en est, quant à elle, à ses balbutiements, en raison notamment de l’infl uence possible sur la stabilité de l’ouvrage. La combinaison de format étroit de briques de parement et de blocs terre cuite peut réduire considérablement la quantité de matières du mur creux. Une réduction de matières qui peut laisser la place pour plus d’isolation dans le mur creux.
En Belgique, les blocs terre cuite pour maçonnerie (collée) portante ont une épaisseur de 14 cm ou 19 cm, avec une résistance à la compression très élevée. Certaines applications ne nécessitent cependant pas une résistance à la compression aussi élevée. Dès lors, des blocs à coller de 12 cm sont commercialisés avec la même résistance de 18 N/mm².
Comme pour toute utilisation des blocs de terre cuite, un calcul doit être réalisé selon l’Eurocode 6 pour évaluer la capacité portante des murs de maçonnerie. Il faut également prévoir une moindre épaisseur des éléments constructifs (comme les poutres en béton).
Le format étroit de briques de parement est déjà ancré depuis longtemps sur le marché belge, grâce aux initiatives prises par les pionniers en la matière. On trouve sur le marché belge des briques de parement jusqu’à une épaisseur de 65 mm. Il n’y a donc plus en Belgique de difficultés particulières quant à la mise en œuvre, à condition de tenir compte de certains points d’attention. Les fabricants peuvent toujours prodiguer leurs conseils. Un prochain article de la revue en 2022 détaillera ces avis techniques.
Dans nos pays voisins, la méthode constructive et la construction du mur creux diffèrent et des déclarations d’applicabilité sont généralement imposées. Par ailleurs, les règlements de construction imposent des restrictions à l’application de ces formats étroits. Aux Pays-Bas, la construction du creux diff ère et des études spécifi ques sont réalisées pour chaque projet. Les fabricants belges de briques de parement espèrent que leur expérience positive pourra être partagée avec les pays voisins afi n de dénouer ces situations limitatives.
Les principes d’économie circulaire ouvrent de nouvelles portes aux fabricants de matériaux de terre cuite. La réutilisation, la revente, le leasing des biens de consommation fait petit à petit son chemin dans notre vie quotidienne. Est-ce pour autant applicable aux systèmes constructifs? Quelles (r)évolutions peuvent être apportées à la maçonnerie dite “traditionnelle” pour que les maçonneries puissent être facilement démontées et les briques de terre cuite réutilisées dans de nouveaux projets? Quelle sera leur valeur résiduelle?
Les anciennes maçonneries en mortier de chaux étaient auparavant plus fréquemment et facilement démontées pour en récupérer les briques. Cette pratique s’est perdue suite, notamment, à l’évolution de la composition des mortiers. Vu que le type de mortier de maçonnerie influence la déconstructibilité des maçonneries de parement maçonnées de façon traditionnelle, il sera important de rendre la maçonnerie traditionnelle plus facilement “démontable” par le recours à des mortiers “adaptés” et d’améliorer le réemploi des briques de parement.
De nos jours, de plus en plus de systèmes circulaires à empilement à sec (sans mortier) sont disponibles : les briques de parement peuvent être facilement démontées et réutilisées. En plus de pouvoir désolidariser les différents éléments et par conséquent du caractère circulaire, les systèmes à empilement à sec présentent d’autres avantages : aucune connaissance spécifique en maçonnerie ou collage n’est requise et les conditions météorologiques n’ont pratiquement aucune influence sur le processus de construction. Le fournisseur du système fournit une brève instruction, sur base de laquelle la mise en œuvre peut démarrer rapidement. En période de pénurie de professionnels, notamment de maçons, c’est là un grand avantage. D’autres systèmes de façade sont également disponibles dans lesquels les briques/matériaux céramiques sont fixés à un cadre.
Tant les systèmes d’empilement que ces derniers systèmes sont parfaitement réversibles.
Actuellement, il existe deux systèmes d’empilement à sec disponibles sur le marché belge. Pour l’un des deux, le premier projet en Belgique est en phase de finalisation et sera achevé d’ici quelques mois. Pour l’autre, il existe déjà quelques réalisations en Belgique. Ces deux systèmes d’empilement à sec sont détaillés ci-après.
Dans les deux systèmes, les briques de parement répondent aux spécifications de la norme NBN EN771-1, la norme européenne harmonisée de produit pour les briques.
Vu que les systèmes ne tombent pas exactement sous la définition de “maçonnerie” des spécifications techniques existantes, les entreprises qui proposent ces systèmes disposent de rapports d’essai attestant de l’adéquation à l’usage et de la performance technique du système. Aux Pays-Bas, de tels systèmes sont déjà beaucoup plus présents et ont un BRL (beoordelingsrichtlijn) 1015 Système de façade avec briques empilées à sec.
Un premier système est constitué des composants suivants : des briques calibrées produites sur mesure avec une rainure, des clips connecteurs, des clips et des crochets d’ancrage, le tout en acier inoxydable et des attaches pour l’isolation. Les briques de parement, de forme spéciale avec rainure, sont faciles à manipuler. Ces briques de parement sont empilées à sec, ancrées mécaniquement au moyen de clips en acier inoxydable et de même pour les crochets d’ancrage. Ni colle ni mortier de sorte que le système est entièrement réversible.
En Belgique, le système est disponible avec des briques de parement étirées. Celles-ci sont calibrées tant en hauteur qu’en longueur. Elles ont ainsi une forme exacte et une très faible tolérance dimensionnelle. On obtient alors un parement à l’esthétique monolithique et massive. L’absence de joints permet de mettre à l’honneur la couleur, la forme et la texture des briques de parement.
En plus d’un système de façade complet (ce inclus les accessoires), ce producteur/fournisseur prévoit aussi des conseils, un service étendu et une garantie en matière de retour et valeur résiduelle. Le système s’inscrit ainsi dans l’économie de la fonctionnalité. Un second système que nous présentons ici est mis sur le marché par une société pour laquelle les briques de parement sont livrées par différents fabricants (belges) de briques.
Il s’agit d’une solution brevetée qui combine la construction traditionnelle avec des briques de parement moulées main et un système d’emboitement innovant qui permettra le démontage et la réutilisation des briques de parement.
Ce système se compose de briques de parement, d’éléments plastiques (HDPE) de liaison des briques (“inserts”), d’isolation insufflée dans la coulisse, de crochets d’ancrage, de rosaces et de vis.
A l’exception de la première couche de pose, le système de parement ne requiert ni mortier ni colle. Le système est réversible : grâce aux inserts, il est tout aussi facile de construire que de déconstruire.
Dans le cadre de la dématérialisation et du démontage, il existe sur le marché belge, un système qui combine les deux. Il s’agit d’un système assemblé à sec, ventilé et ancré mécaniquement, et dès lors parfaitement démontable. Le système dispose d’une ETA European Technical Assessment et peut s’appliquer sur différents types de structure portante.
Aux Pays-Bas, d’autres systèmes démontables avec nos matériaux terre cuite sont également disponibles. Le pays est pionnier pour l’application dans différents types de projets, également à grande échelle. On peut s’attendre à ce que cette évolution se développe également en Belgique.