L’humain et le circulaire au coeur d’un projet de rénovation à Hermalle-sous-Argenteau
En Belgique, la Wallonie est souvent considérée comme le mauvais élève dans le domaine de la construction circulaire. Cependant, de nombreux acteurs wallons se démènent pour combler le retard de développement, et de plus en plus de projets inspirants voient le jour dans la moitié Sud du pays. Parmi ceux-ci, le projet REECIT, à Hermalle-sous-Argenteau en région liégeoise, va servir de test grandeur nature pour l’élaboration d’une approche constructive durable et circulaire pour le développement de projets de rénovation.
REECIT est un projet de transformation d’une ancienne salle de fête communale en un complexe de 5 studios individuels à destination de jeunes issus de milieux précarisés, pour faciliter leur insertion socio-professionnelle. Derrière ce projet, on retrouve la coopérative immobilière sociale liégeoise Les Tournières. Cette coopérative rachète et rénove des bâtiments, pour ensuite les mettre à disposition de publics défavorisés ou d’associations sans but lucratif. « Cela permet d’échapper au marché immobilier spéculatif, et d’offrir des bâtiments qualitatifs à des publics qui n’y auraient autrement pas accès », explique Benjamin Ooms, ingénieur-architecte et chargé de projet pour la coopérative.
Une phase de conception intensive et efficace
La coopérative Les Tournières vient de déposer le permis d’urbanisme auprès des autorités compétentes en ce début d’année 2025, après une phase de conception approfondie afin d’explorer les options constructives les plus intéressantes et pertinentes. « Nous avons conçu ce bâtiment en collaboration avec une équipe pluridisciplinaire, avec comme objectif d’en faire un projet le plus durable possible. Les différents systèmes constructifs ont été envisagés dans une optique d’évolutivité, de réversibilité et de démontabilité », explique B. Ooms. Cette recherche de durabilité s’inscrivait dans la volonté des auteurs du projet de ne compromettre aucune possibilité de réemploi à l’avenir.
Un chantier lui aussi alternatif
La coopérative veut également profiter du chantier à venir pour soutenir le développement de la construction circulaire dans la région. Il prendra notamment la forme d’un chantier participatif, et de chantier-école, pour permettre à des auto-constructeurs, des professionnels de la construction de tous horizons et des étudiants de se tester sur des pratiques circulaires.
Un maximum de réemploi
Dès les premières phases du projet, les porteurs de projet ont tenu à engager tous leurs partenaires dans leur démarche circulaire, un critère sine qua non pour faire partie de l’équipe de conception : « Engager l’entièreté de nos partenaires dans cette dynamique circulaire nous tenait vraiment à cœur, et nous sommes extrêmement reconnaissants d’avoir pu compter sur des entreprises motivées par ce challenge », ajoute l’ingénieur architecte.
Concrètement, cette démarche s’est traduite par un réemploi maximum des matériaux de construction. La charpente du nouveau complexe constitue à ce niveau l’exemple le plus marquant : celle-ci sera en effet constituée presqu’exclusivement de poutres en lamellé-collé récupérées sur un chantier de démolition au Luxembourg, et rapatriées en région liégeoise. Benjamin Ooms a d’ailleurs reconnu que « l’aspect logistique de cette phase avait constitué une belle épreuve, du démontage sur le chantier d’origine au rapatriement, en passant par le stockage ».
Outre les poutres de charpente, de nombreux autres matériaux de construction utilisés pour le projet REECIT sont issus du réemploi. Ainsi, l’isolation en laine de roche par l’extérieur de murs existants a été récupérée dans des cloisons acoustiques démontées, le bardage en bois est composé de voliges utilisées pour le transport industriel, des fenêtres proviennent quant à elles rebus d’usines. Les tuiles pour la toiture, mais aussi de nombreux appareils sanitaires reconditionnés font également partie de la longue liste de matériaux qui recevront une nouvelle vie.
De plus, Les Tournières a également donné priorité à des matériaux naturels issus de filières locales, quand aucune alternative de réemploi n’était possible. « Les méthodes constructives ont été pensées de manière à favoriser la démontabilité des éléments mis en œuvre en vue de leur (ré)réemploi ou d’une fin de vie respectueuse de l’environnement, par compostage ou paillage par exemple.
Des lacunes encore à résorber
Au fil de ce projet innovant, Benjamin Ooms a pu constater que certains obstacles se dressaient toujours sur la route du développement de la construction circulaire. En premier lieu, il souligne le manque de souplesse des normes urbanistiques en vigueur, qui empêchent ou compliquent la mise en œuvre de matériaux de réemploi : « Le réemploi implique inéluctablement son lot de surprises et de modifications de dernière minute, en ce qui concerne les matériaux utilisés et leur installation. Et malheureusement, les autorités compétentes ne nous accordent pas encore assez de latitude à cet égard ». De même, il estime que les normes PEB sont elles aussi encore trop rigides dans une optique de construction circulaire.
Pour accélérer le développement du secteur de la construction circulaire, l’ingénieur architecte invite premièrement les auteurs de projet, concepteurs et promoteurs à redoubler d’efforts, et à agir comme catalyseurs de la transition durable du secteur.
Dans le même temps, il souligne le rôle à jouer crucial des autorités publiques compétentes, qui doivent elles aussi encourager les pratiques durables, notamment par davantage d’incitants financiers. Enfin, les pouvoirs locaux ont aussi, selon lui, la responsabilité de promouvoir et stimuler les filières de réemploi, jusqu’à ce que celles-ci soient assez solidement établies sur le marché que pour faire face à la concurrence des fabricants de matériaux de construction traditionnels.
Vers un nouveau modèle de construction ?
Au terme de ce projet, Benjamin Ooms et son équipe espèrent pouvoir établir un nouveau modèle de rénovation, qui pourrait servir ensuite d’inspiration et de guideline pour toute personne ou organisation qui souhaiterait réaliser un projet de construction d’intérêt social et durable. « Par l’intégration maximale du réemploi et sa conception axée sur l’évolutivité et la démontabilté, nous voulons faire de REECIT un projet qui affirme la viabilité d’une approche économique circulaire et socialement engagée dans la construction. Montrer que c’est possible, et économiquement jouable, si le projet est bien préparé », résume Benjamin Ooms.
L’ASBL Les Tournières espèrent entamer le chantier à la fin du premier semestre de cette année, pour une livraison prévue, au plus tard, à la fin de l’année 2026. « Sans vouloir faire preuve de quelconque arrogance, nous voulons faire de REECIT une vitrine pour la construction circulaire et ses avantages, tant au niveau social qu’environnemental », conclut-il.