Comment un entrepreneur participe-t-il à une construction circulaire ? C’est la question que j’ai posée à BESIX, entrepreneur depuis 1909 et également spécialisé dans le développement immobilier, et dans le concession & assets. Besix a en effet organisé une session de brainstorming et un hackaton #Hack2Build afin de trouver des solutions durables et circulaires pour leurs projets. François Lederer, responsable BIM, Numérisation & Durabilité, et Jan Van Steirteghem, directeur du bureau d’ingénierie interne, développent de nouvelles stratégies axées sur deux pôles d’innovation : la numérisation et la durabilité. BESIX a également récemment signé le Greendeal.
La circularité prend-elle une place importante dans votre stratégie d'innovation sur la « durabilité » ?
La circularité, c’est penser un bâtiment dès le début pour qu’il soit démontable et réutilisable dans sa globalité ou en partie, afin de minimiser son impact environnemental. Pour cela, il faut prendre en considération le CO2, mais aussi les 19 autres indicateurs comme définis par les Nations Unies. Nous avons bien sûr besoin de collaborer avec d’autres partenaires pour optimiser la circularité dans nos projets de développement et de conception. Quelques bons exemples sont les projets de notre filiale entreprises Jacques Delens s.a.
Jusqu’à 2017, la circularité n’était pas à l’ordre du jour dans notre domaine, mais maintenant nous avons en continu au moins un gros client qui demande d’en tenir compte dans la demande d’offre. La demande ne vient pas seulement du côté du client, mais peut-être encore plus de nos propres employés. Lors du recrutement, les candidats nous demandent souvent la manière dont nous traitons la durabilité et la circularité, une attitude que nous apprécions particulièrement. Les jeunes qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail sont très préoccupés par l'environnement et nous nous en réjouissons.
Un client vous demande surtout de construire le moins cher possible. Comment faire de la circularité une priorité ?
Si nous savons qu’un client peut être sensible aux idées circulaires – et c’est heureusement de plus en plus le cas, nous essayons bien sûr de l’influencer vers des choix circulaires tout en restant dans une logique économique qui est nécessaire dans une entreprise privée comme la nôtre. Nous sommes très orientés client. En tant qu’entrepreneur, tout dépend aussi de la responsabilité : si on est responsable pendant 50 ans, cela nous permet de prendre des décisions à plus long terme. Surtout dans nos projets design, build & maintain, nous essayons de créer de la valeur dans le processus de conception. Le secteur de la construction est un secteur à haut risque et à faible marge de rendement. Si nous avons un projet négatif, 10 projets positifs sont parfois nécessaires pour le corriger. Au lieu de subir cela, notre stratégie consiste à investir dans la phase de conception et de préparation : notre département d'ingénierie interne, composé de plus de 200 collègues motivés, en est un exemple très concret. Dans un processus d'appel d'offres en compétition, les projets de design, build & maintain ne sont pas attribués au prix le plus bas, comme dans le cas d'un projet build-only, mais vous avez également plus de liberté pour faire la différence en fonction de vos connaissances et de vos idées novatrices. C’est la raison pour laquelle nous préférons ces projets chez BESIX : « no risk no fun ! » disons-nous parfois pour blaguer. L'investisseur, tant privé que public, reste naturellement la personne qui peut avoir le plus d'impact pour rendre le secteur circulaire : l'argent fait tourner le monde. Nous devons donc rechercher un nouveau modèle économique et trouver le moyen d’en faciliter la transition. Pour cela, nous avons besoin de leaders visionnaires dans l’industrie, mais aussi dans la politique. Par exemple, nous devons ajuster le cadre normatif beaucoup plus rapidement que ce n’est le cas aujourd’hui, celui-ci étant désormais largement axé sur la durée de vie, mais pas sur la construction circulaire.
Votre stratégie d'innovation « numérisation » peut-elle aider à lancer la construction circulaire ?
Nous utilisons en effet davantage le BIM (Building Information Modeling). L'avantage du BIM avec les passeports de matériaux est que nous pouvons appliquer le principe du cradle-to-cradle beaucoup plus facilement. Aujourd'hui, entre 50 et 70% de nos projets sont dessinés dans un logiciel 3D, dont Autodesk Revit est le plus connu. Notre objectif est de passer à 100%. C’est pour cela que nous formons et embauchons du personnel dans la numérisation. Maintenant que nous avons des modèles numériques intelligents de nos projets, nous aimerions lier les données sur l'impact environnemental des matériaux aux volumes contenus dans le modèle. Nous voulons donc savoir comment créer le plus facilement possible un passeport de matériau. Pour y parvenir, nous investissons dans nos processus de conception, notre personnel, afin de pouvoir choisir les bons outils.
Vous avez parlé de vos partenaires, qui sont-ils ?
Nous faisons des projets de recherche avec des universités aussi bien nationales qu’internationales. Nous sommes très intéressés par les travaux du Block Research Group de l’ETH Zurich par exemple. Aujourd’hui, nous ne possédons pas de techniques démontables avec une « IP » BESIX, mais ça viendra. La responsabilité dans la chaîne de valeur sera alors cruciale : qui est prêt à prendre les risques qu’engendre le réemploi ? La circularité est une opportunité collaborative créée, par définition, par la co-création. Chez BESIX, nous voulons assumer toute notre responsabilité à cet égard.