Le nouvel accord du gouvernement fédéral stipule que la réduction du taux de TVA à 6% pour la démolition et la reconstruction de bâtiments sera étendu à l'ensemble du territoire belge. Cette mesure a été reçue de manière plutôt tiède par certains experts du secteur.
L'asbl VIBE, qui, en tant qu'institut indépendant, dispose d'informations objectives sur la construction circulaire, ne considère pas que l'extension d'un taux de TVA favorable pour la démolition et la reconstruction soit un choix judicieux. « Certainement pas à la lumière des ambitions formulées par le gouvernement pour stimuler l'économie circulaire et la construction circulaire », explique-t-on chez VIBE. « L'asbl VIBE tente d'empêcher le remplacement de maisons en mauvais état. Une rénovation qualitative accompagnée d'une isolation poussée et l'application des principes de construction circulaire sont plus efficaces dans la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. » Les experts de VIBE font donc quelques suggestions sur le site de l'asbl pour une approche davantage tournée vers l'avenir et plus respectueuse de l'environnement.
Démolition sélective
La démolition complète puis la construction d'un nouveau bâtiment n'est certainement pas la meilleure solution pour une amélioration de notre patrimoine immobilier. Nous ignorons alors complètement le fait que ces bâtiments contiennent une multitude de matériaux et que ceux-ci sont, au moins en partie, réutilisables. Ceci dit, en Flandre, l'exigence d'un 'plan de suivi de démolition' pour tous les bâtiments encourage la démolition sélective. Actuellement, ce type de plan n'est requis que pour les bâtiments non résidentiels d'un volume supérieur à 1 000 m³. Pour les habitations, cela ne s'applique même qu'à un volume supérieur à 5 000 m³... La démolition sélective encourage le recyclage et la réutilisation des matériaux. Les déchets sont collectés de manière 'pure', non mélangés entre eux, ce qui permet d'en apprécier réellement la qualité. On ne pas plus systématiquement au parc à conteneurs ou à l'incinérateur, mais on met en pratique une étape nécessaire dans la gestion plus durable des matériaux.
Réutilisation
La transition vers l'économie circulaire nous oblige à démanteler de manière sélective les bâtiments, avec une réutilisation maximale de leurs composants. Un 'passeport matériaux' retire ces derniers d'un anonymat poussiéreux et les enregistre tout au long du cycle de vie d'un bâtiment. A lui seul, un plan de suivi de démolition n'incite pas assez à réutiliser réellement les matériaux. L'inventaire d'un bâtiment en unités, plutôt qu'en volume, permet de clarifier la plus-value économique pour les professionnels de la construction. Il y a une différence entre la description (et la perception) de 3 m³ de bois et de dix portes en bois. Avec la réutilisation des matériaux de construction et des composants, nous ne dégradons plus les produits de valeur en déchets envoyés à la décharge ou à l'incinérateur. Au lieu de la démolition, nous encourageons la réutilisation, par exemple en éliminant les limitations technico-juridiques concernant l'assurance et la garantie de performance.
Reconstruction
Il ne faut pas s'y méprendre : dans certains cas, la démolition et la reconstruction peuvent représenter une bonne solution provisoire pour booster la performance énergétique du parc immobilier belge. Il faut aussi prendre en compte que chaque matériau de construction a un impact environnemental. L'outil TOTEM aide les professionnels à prendre une décision fondée sur des éléments objectifs. En analysant les choix de matériaux, vous pouvez calculer en détail les coûts environnementaux. Ce faisant, vous prenez en compte la performance énergétique et l'impact des matériaux. La démolition-reconstruction n'est un choix durable que si l'on fait attention aux dépenses énergétiques mises en œuvre pour la démolition, le traitement des déchets et la production de nouveaux matériaux. Dans le concept circulaire, la construction orientée vers le changement va gagner en importance. Préparer les bâtiments à de nouveaux usages et défis permet de sortir du jargon de la 'démolition' au profit du 'démantèlement'. C'est ainsi que, aujourd'hui, nous évitons les problèmes pour l'avenir.
Waldo Galle, chercheur sur les transitions durables à la VUB Architectural Engineering, et Roos Servaes, facilitatrice en économie circulaire chez Vlaanderen Circulair, critiquent prudemment la diminution de la TVA. Le premier comprend le choix du gouvernement, mais émet également des réserves : « Les politiques gouvernementales doivent avant tout être claires et donc simples. Et donc des choix doivent être faits. Mais celui-ci est bien entendu en contradiction avec la complexité et la diversité de notre parc immobilier. Donc, à cause de cette mesure politique précise qui, ne nous méprenons pas, poursuit un certain objectif et est certainement justifiée, on perd énormément de potentiel. »
Par 'potentiel perdu', Waldo Galle évoque la question des matériaux. Selon lui, si le gouvernement s'est engagé à baisser le taux de TVA sur la démolition et la reconstruction, c'est parce qu'il se concentre trop sur la question énergétique.
Roos Servaes prône également une approche plus holistique. « Je pense que nous devons vraiment nous rattraper », explique-t-elle. « Un cadre doit être développé au niveau européen à propos de cet impact des matériaux. Et les Etats membres doivent coordonner leurs mesures spécifiques avec celles de l'Europe. Si l’attention est également portée depuis le haut sur le problème des matériaux, les choses pourront alors changer. »
Lors du récent Circular Real Estate 2020, Pascal Smet, secrétaire d'Etat bruxellois chargé de l'urbanisme, a également indiqué qu'il ne soutenait pas la réduction de la TVA « qui motive à démolir alors que cela ne doit jamais être l'intention. La démolition ne doit être entreprise que lorsqu'il n'y a vraiment pas d'autre option. C'est pour cela que nous essayons par divers moyens de démontrer l'utilité de la réutilisation des matériaux. »
Source : VIBE vzw