« Ce qui nous plait dans notre activité, c’est de trouver des solutions d’aménagement et de mobilier pour optimiser l’espace, même quand cela parait irréalisable à première vue ». En une phrase, Benjamin Van Santen pourrait bien avoir décrit Miniatur, le projet que sa compagne Louise Taquin et lui ont lancé. Face aux défis actuels du logement, Louise et Benjamin, deux jeunes diplômés de l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc en design industriel, se sont lancés dans la conception de mobilier sur mesure et l’aménagement d’intérieur de (très) petits espaces. Joaquim Dupont les a rencontrés pour Circubuild : une discussion riche en enseignements et une réflexion sur notre conception du logement.
Un duo dynamique et complémentaire
Ils se sont rencontrés sur les bancs de l’ESA Saint-Luc, en section de design industriel. Le courant est bien passé, et voilà Louise et Benjamin qui s’embarquent vers des projets ambitieux, dès la fin de leurs études. Ils veulent entreprendre, mais surtout apprendre. Pour ce dernier objectif, ils réalisent leur propre tiny house à Liège, un projet de plus d’un an, qu’ils ont mené de bout en bout : du dessin à la création des meubles et leur installation, et évidemment l’aménagement complet de leur mini-logement sur roues. Une belle première aventure, avant de vivre un autre projet fou, qui les a mis en lumière.
Joaquim Dupont : Après votre tiny house, vous êtes contactés pour un autre projet insolite, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
Louise : « Un peu par hasard, nous avons été contactés par un particulier, un ami d’un ami, qui possédait un pigeonnier dans son jardin qu’il désirait transformer en Air BnB. Il nous a laissé carte blanche, et nous avons conçu absolument tout le mobilier et réalisé tous les travaux d’aménagement nous-même. L’espace était vraiment réduit, un très beau challenge pour nous. Le résultat était vraiment positif, et ce logement insolite a rapidement fait parler de lui dans la presse. Il serait, même si nous n’en avons pas la preuve officielle, le plus petit logement complet Airbnb, avec 10m2 ».
Benjamin : « On est très fiers de ce projet, parce qu’on a réellement réussi à « faire rentrer » tous les éléments dans un si petit espace, aux dimensions particulières. Cela nous a obligé à nous dépasser, et à trouver des solutions inédites encore une fois ».
Fortement relayé par la presse francophone, régionale puis nationale, le « Pigeonnier » sert également de vitrine pour le travail du jeune couple : un bâtiment réussi qui est devenu une véritable carte de visite efficace de leurs compétences et de leur vision du design d’intérieur.
L’habitat de demain
Après ces premiers projets concluants, Louise et Benjamin se sentent prêts, et lancent leur propre entreprise, baptisée Miniatur, en référence bien évidemment au travail d’aménagement d’espaces « mini ». Ils ne se donnent aucune limite, mais plutôt certaines règles d’or à respecter : une attitude DIY (Do It Yourself), une recherche de solutions innovantes, ainsi que le travail de matériaux durables. Pour les deux jeunes designers, Miniatur veut avant tout proposer des solutions d’habitat qui répondent aux grands défis actuel du logement.
J.D : Que cherchez-vous à accomplir avec Miniatur ?
Benjamin : « Nous espérons avant tout créer une entreprise stable, et multiplier les projets d’aménagement de petits intérieurs, des appartements ou studios 1 pièce, 2 maximum. Dans notre vision, le mieux serait de faire le plus possible de rénovations d’espaces existants, parce qu’il existe déjà des centaines d’espaces inoccupés dans les villes. Mais ce n’est pas tout, on ambitionne également de créer du mobilier adapté à des petits espaces, mais qu’on pourrait produire en série, ou du moins en plusieurs exemplaires : on pense avant tout à des meubles pliables, encastrables, double emploi et des solutions de rangement intelligentes par exemple ».
Louise : « Un point qui nous tient à cœur, c’est de continuer à réaliser nous-même l’installation et l’aménagement, en tout cas au maximum. Avec nos premiers projets, nous avons appris énormément, passé des heures à intégrer des nouvelles techniques, mais qui ne peuvent que nous être bénéfiques pour la suite. Concrètement, pour la tiny house et le pigeonnier, Benjamin s’est occupé des travaux de plomberie, et moi je me suis mise à l’électricité, alors que nous n’étions pas du tout des spécialistes au départ. Cependant, on compte faire appel à des professionnels qualifiés pour certains aspects très techniques de nos prochains projets, simplement pour des raisons de sécurité ».
J.D : pourquoi ce choix de la spécialisation dans l’aménagement de petits espaces ?
Louise : « Premièrement, parce que nous sommes convaincus de la légitimité et de l’intérêt du concept. Il suffit de regarder l’état actuel du marché immobilier, avec des prix qui s’envolent jusqu’à atteindre l’indécence, ce qui laisse beaucoup de gens sans solution : les jeunes générations ne peuvent plus s’acheter une maison à 25 ans comme le pouvaient nos parents et grands-parents. De plus, l’aménagement d’espaces de vie réduits répond à la crise écologique que nous traversons. Cela devient une priorité de repenser notre habitat, et de créer des nouveaux logements bien isolés et durables, et donc dont l’impact carbone est beaucoup moins important ».
Une démarche qui fait sens, mais pas encore pour tout le monde
Louise et Benjamin l’affirment clairement, ils ont dû faire face à de nombreuses réactions d’incompréhension, que ce soit de leur entourage ou des professionnels et fournisseurs : « Ce n’est pas pour pointer qui que ce soit du doigt, mais nous avons vraiment ressenti un fossé générationnel, à plusieurs occasions », confirme Benjamin. « Certaines solutions ou certains produits qui sont utilisés couramment dans l’aménagement d’espaces mini sont encore méconnus des fournisseurs traditionnels, qui n’en vendent pas assez pour s’y intéresser plus que cela. Et ça peut rendre les conversations avec les professionnels plus compliquées. Ils nous prenaient parfois pour des fous ou des illuminés quand on les consultait sur une question technique ». Alors, où trouver des informations ? C’est tout simplement que Benjamin répond : « YouTube. J’ai passé des heures à regarder des vidéos, des tutos pour régler des problèmes ou trouver de l’inspiration ».
Les deux jeunes ont également ressenti ce generational gap avec certains membres de leur entourage, qui ne pouvaient pas conceptualiser un espace de vie complet qui ne dépasse pas les 15 ou 20m2. Une question avant tout culturelle selon Louise : « Pour les générations précédentes, un logement devait être une maison familiale ou un appartement spacieux. Je crois que c’est avant tout une réalité belge, quand on sait que des milliers de Parisiens vivent déjà dans des studios de 9 à 15m2. Certaines personnes dans mon entourage, de ma famille, ne comprenaient pas comment nous faisions pour vivre dans une tiny house, alors que nous avons adoré l’expérience ».
Une conscience écologique naturelle
Pour Louise et Benjamin, le logement ne doit pas être uniquement de petite taille, mais également éco-responsable, ce qui a évidemment influencé leurs pratiques de construction, notamment en ce qui concerne le choix des matériaux utilisés. Une démarche naturelle plus qu’une contrainte pour les 2 designers.
J.D : Quels sont les réflexes écologiques que vous mettez en place dans vos constructions et/ou aménagements ?
Benjamin : « Tout d’abord, on s’assure d’une isolation parfaite. Avec un logement de petite taille, si c’est bien isolé, il faut vraiment peu d’énergie pour le chauffage par exemple. Nous choisissons aussi des matériaux écologiques, comme le liège ou le chanvre. Pour donner une idée, nous n’avons jamais demandé un devis pour de l’isolant P.U. C’est un matériaux qui ne nous viendrait jamais à l’idée d’utiliser, parce que c’est prouvé, depuis longtemps, qu’il est extrêmement polluant ».
Louise : « Quand on a vécu dans notre tiny house – revendue depuis – on s’est rendu compte de l’importance de vivre le plus écologiquement possible, vu qu’il y a peu de place. Nous étions pratiquement ‘0 déchets’ à ce moment, et cela a encore renforcé notre conviction, notamment dans notre travail. Désormais, on réfléchit, on conçoit et on construit avec ce prisme écologique en tête ».
Miniatur n’en est qu’à ses débuts, mais s’inscrit dans une vision du design et de l’aménagement d’intérieur en accord avec son temps. Actuellement basés sur Liège, Louise et Benjamin sont disponibles pour des projets en Wallonie et à Bruxelles. Vous pouvez suivre leur parcours via leur page Instagram, Facebook, ainsi que leur chaine YouTube.