Un podcast d’architectura.be a réuni Roos Servaes de Vlaanderen Circulair et Waldo Galle de la VUB pour un entretien sur la construction circulaire et les points d’achoppement dans la transition devant y mener. Dans le présent article, vous découvrirez l’un d’entre eux : la nécessité d’un véritable changement de mentalités pour faire de la construction circulaire la norme, précisément dans un secteur qui a la réputation de demeurer très traditionnel.
« Ce changement de mentalité est en effet un point d’achoppement systématique. Mais il ne faut pas oublier que nous ne sommes qu’au début de l’aventure », a expliqué Roos Servaes lors du podcast de notre site frère. « Sans doute les pouvoirs publics peuvent-ils faire plus d’efforts sur ce point. Même si des événements qui vous forcent à affronter les faits sont toujours préférables. Ainsi, l’été dernier fut le quatrième à nous plonger dans une extrême sécheresse, et on voit à présent que certaines choses commencent à bouger en matière de gestion durable de l’eau. Dans le secteur de la construction également, des problèmes similaires se produiront – des pénuries occasionnant des hausses de prix, voire des épuisements complets. Ce n’est plus qu’une question de temps. Il est évidemment préférable pour tout le monde de pouvoir anticiper de telles périodes. Nous avons donc tout intérêt à sensibiliser. »
Selon Waldo Galle, ce changement de mentalités est le plus difficile à réaliser chez les maîtres d’ouvrage. « Parce qu’il existe pour eux trop peu d’incitants pour se lancer dans la construction circulaire, mais aussi par manque de connaissances sur le sujet leur permettant de formuler autrement leur projet de construction. Ce changement de mentalités est cependant globalement une affaire compliquée. C’est dans notre nature de vouloir quelque chose de nouveau quand nous en avons besoin. Prendre en compte ce qui existe déjà, nous le faisons beaucoup trop peu. Si nous le faisions, nous envisagerions peut-être d’utiliser des résidus à la place de produits neufs, nous examinerions comment refermer la boucle du recyclage des matériaux de construction, nous essayerions de construire des bâtiments qui durent plus longtemps, etc. Cela devra avoir lieu dans le dialogue, avec toutes les parties concernées dans le secteur de la construction. Il existe suffisamment d’opportunités tant pour les concepteurs, les entrepreneurs, les fabricants que pour les utilisateurs. »
Product as a service
Roos Servaes : « Une large percée du concept de ‘product as a service’ pourrait évidemment faciliter les choses. Je considère que c’est possible, mais quelques grands maîtres d’ouvrage devraient montrer l’exemple de concert avec des fabricants. Le concept se prête en effet actuellement mieux à d’importants projets immobiliers qu’à des constructions individuelles, parce qu’une certaine échelle est requise pour que cela soit profitable. Ces grands maîtres d’ouvrage pourraient montrer que cela marche. Ne soyons pas trop négatifs sur l’application actuelle de ‘product as a service’. Il y a déjà des fabricants qui se sont lancés, comme des spécialistes en éclairage ou des fabricants de systèmes de façades. »
« Je trouve quand même surprenant que le secteur de l’énergie connaisse si peu d’initiatives de ‘product as a service’ », s’est étonné le modérateur Rik Neven. « L’installation de chaudières chez les particuliers, cela pourrait être une application parfaite de ‘product as a service’ ? Cela s’y prête bien. Mais je ne connais que de peu d’exemples. »
Waldo Galle : « Certes, mais le côté fragmenté et décentralisé des chaudières domestiques engendre énormément d’entretien. Il faut reconnaître que le concept de ‘product as a service’ n’est dans ce cas pas la solution idéale. Et qu’il nous faut simplement aller vers des chaudières modernes, très durables et adaptables, ou quelque chose du genre. Dans le cas d’une production d’énergie centralisée puis partagée suivant différentes modes, ‘product as a service’ est beaucoup plus intéressant. Une seule et même entreprise peut alors s’occuper de la gestion et de l’entretien, cela est plus attractif à la fois pour l’utilisateur final et le producteur. Selon moi, chaque business model a une place spécifique dans la diversité du monde de la construction. »
Roos Servaes s’est montrée du même avis. « En fonction du type de produit que vous proposez, une formule est mieux adaptée qu’une autre. Il existe différents modèles d’affaires circulaires : ‘product as a service’ avec entretien et solution en fin de vie, ou une garantie de rachat, par laquelle le fabricant prend en compte la valeur résiduelle du produit mais n’offre aucun service… Les propriétés circulaires spécifiques au produit mais aussi le contexte et l’échelle dans lequel cela est appliqué, mèneront sans aucun doute au développement d’autres modèles encore », a-t-elle conclu.