Un podcast d’Architectura.be a réuni Roos Servaes de Vlaanderen Circulair et Waldo Galle de la VUB pour un entretien sur la construction circulaire et les points d’achoppement dans la transition devant y mener. Dans le présent article, vous découvrirez l’un d’entre eux : Il y a souvent un manque de confiance dans la qualité des matériaux de seconde main.
On entend parfois dire qu’il règne dans le secteur de la construction un manque de confiance dans la qualité des matériaux de construction de seconde main. Qu’il ne soit pas rare de ne disposer d’aucune garantie sur la qualité (résiduelle) de ces matériaux, n’arrange évidemment pas les choses. Waldo Galle : « Tout d’abord : tout dans l’environnement bâti actuel n’est pas réutilisable. Certains matériaux voient leur robustesse ou leur performance technique diminuer avec le temps. Il faut également savoir que de très nombreux matériaux qui constituent les bâtiments aujourd’hui n’ont jamais été conçus avec un objectif de réemploi. Pourtant, il existe également dans les bâtiments actuels de très nombreux matériaux dont la performance technique demeure encore très élevée après maintes années, plus que l’on ne pourrait imaginer. C’est ce qui est ressorti encore dernièrement d’une série de tests sur des matériaux d’isolation utilisés en application intérieure. Des matériaux très robustes comme les poutres, poutrelles métalliques et matériaux pierreux peuvent également connaître une seconde vie sans aucun problème. »
« Je trouve passionnant de voir comment le marché des matériaux de construction de seconde main est en train de se développer », renchérit Roos Servaes. « Il y a cinq ans, c’était encore un marché de niche, dans lequel un certain nombre de produits, comme par exemple les pavés et les briques, étaient déjà souvent réutilisés. Nous constatons ces derniers temps cependant que cette démarche englobe d’autres produits possédant un bon potentiel de réemploi, potentiel pourtant non exploité jusqu’à présent. Selon moi, il est important que les fabricants prennent eux-mêmes l’initiative de stimuler le réemploi. Une telle initiative ne peut en effet pas être laissée aux seuls pionniers de la construction circulaire ou à quelques négociants. »
« Les fabricants doivent prendre leurs responsabilités »
« Un cadre légal est également requis en matière de réemploi de matériaux de construction – ceux-ci n’entrant par exemple pas en compte pour une certification BENOR – et je crains qu’il ne faille encore patienter quelques années pour que ce soit le cas », poursuit-elle. « Ce qui est positif, c’est que notamment le Règlement européen sur les produits de construction est en train d’être revu et que le réemploi y sera mis en avant de manière très claire. Les fabricants sont conscients qu’ils doivent eux-mêmes s’employer à rendre le secteur de la construction plus circulaire et que c’est une responsabilité qui leur incombe. Ils savent que les produits de construction doivent devenir des produits de seconde main et non de second rang. »
« Un rôle également pour les prescripteurs et les entrepreneurs »
Waldo Galle : « Les labels actuels sur les produits de construction portent davantage sur un contrôle du processus de production que sur la qualité du produit final, sans parler de la qualité de celui-ci après x années. Dans le processus linéaire de construction qui est encore en vigueur aujourd’hui, la responsabilité sur la qualité d’un produit de construction est en réalité transmise à l’acteur suivant dans la chaîne : du fabricant au concepteur, du concepteur à l’entrepreneur et de l’entrepreneur au propriétaire ou à l’utilisateur final du bâtiment. » Cela explique qu’il règne une sorte de méfiance systématique dans le secteur. Comme Roos le dit, les fabricants pourraient jouer un rôle plus actif, mais je crois que nous devons aussi nous baser sur notre bon sens et donc regarder vers l’architecte et vers l’entrepreneur. Je veux dire par là : ils sont aussi des maillons importants dans le processus de construction et ont généralement une énorme expérience et donc aussi une connaissance de la qualité intrinsèque des matériaux qu’ils prescrivent ou mettent en œuvre. Ils devraient aussi oser prendre leurs responsabilités et dire, sans besoin de certification : ‘J’estime que ce matériau est adéquat et j’ose m’engager dans ce sens. Je vous affirme que c’est un matériau de qualité’. Je pense donc que nous devons reconnaître à sa juste valeur la connaissance du métier, indépendamment des certifications et structures annexes. Cela ne sera pas possible pour tous les matériaux et cela ne doit sans doute pas l’être, mais pour un certain nombre de matériaux de construction, cela peut représenter une étape importante pour créer de la confiance. »
Product as a service
« La notion de Product as a service est de ce point de vue également très importante. Dans le cas où les produits sont pris en leasing et proposés comme un service, le fabricant ne cède pas son produit, et sa responsabilité quant à la qualité de celui-ci ne s’arrête donc pas. Pendant toute la période d’utilisation du produit, le fabricant continue d‘offrir sa connaissance et son expertise autour du produit. Ce modèle d’affaires va entraîner automatiquement dans le chef du fabricant une volonté d’améliorer la qualité (maintenance), ce qui nous amène dans un tout autre cas de figure en matière de qualité des produits de construction. Dans le scénario idéal, le fabricant sera à même d’évaluer la valeur résiduelle du produit à la fin de la période d’utilisation », conclut Roos Servaes.