Le site destiné aux sportifs sert de test et vitrine à des technologies de BTP censées apporter fraîcheur et économies d’énergie.
Cet été, 15 000 athlètes prendront possession du village olympique, bâti à cheval sur trois communes (Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et l’Ile-Saint-Denis) : autant que le nombre de «visiteurs professionnels», selon la Solideo (Société de Livraison des Ouvrages Olympiques), qui auront arpenté les allées boueuses du chantier, conçu d’emblée pour être un « démonstrateur de la ville de demain ». Et une vitrine pour les grands noms de la construction française à l’œuvre dans la construction de ce futur écoquartier de logements et bureaux, qui accueillera à terme 12 000 habitants et travailleurs : Eiffage-Nexity, Vinci, et Icade, filiale de la Caisse des dépôts. Investie de la mission de positionner les entreprises françaises à l’avant-garde d’un nouvel urbanisme bas carbone, la Solideo a créé un fond d’innovation, doté de 36 millions d’euros, pour « favoriser l’émergence de solutions innovantes ». Zoom sur cinq des « 34 innovations de rupture» testées sur place.
Vive le vent
Au Qatar, la climatisation des stades avait valu au Mondial de football d’être taxé de «climaticide». Pour les JO de Paris, c’est son absence qui fait polémique. Au point que certaines fédérations sportives, inquiètes de la perspective d’un été caniculaire, ont prévu d’en équiper les chambres. Le village a été conçu selon les principes de l’architecture «bioclimatique» et sur la base d’une projection faite par MétéoFrance : en 2050, les étés parisiens seront aussi chauds que ceux de Séville aujourd’hui. Aux solutions classiques (isolation des façades, brise-soleil sur les balcons) s’est ajoutée l’attention portée à la morphologie du quartier, qui a l’avantage d’être bordé par la Seine. Les appartements sont traversants et les immeubles ont été érigés en «plots» : ils ne sont pas collés, mais entrecoupés par des espaces végétalisés, pour laisser le vent circuler. Au total, 9 000 arbres doivent être plantés.
Par ailleurs, le quartier sera raccordé aux réseaux de froid urbain alimentés par la géothermie. Après modélisation d’épisodes caniculaires par Dassault Systèmes, la Solideo garantit qu’il fera 6°C de moins qu’à l’extérieur, soit «entre 23°C et 26°C». Mais sans doute plus en cas de canicule sévère et prolongée…
Le «bâtiment cycle» : rien ne se perd, même pas l’urine
Construit par Icade, c’est un immeuble de 80 logements qui « recycle l’ensemble des eaux usées, noires et grises, explique Nicolas Ferrand, le directeur général de la Solideo. Si ça marche, ça veut dire qu’on peut réduire les besoins en eau potable de 60 % ». Décisif au moment où l’eau est devenue une denrée rare à cause de la multiplication des sécheresses. L’innovation est double : traitée par une station d’épuration installée en sous-sol, l’eau du lave-linge ou de la vaisselle sera recyclée en interne (pour les toilettes ou l’arrosage les jardins, par exemple), mais son énergie sera également utilisée pour chauffer l’eau des douches. Riches en azote, phosphore et potassium, les urines des habitants ont vocation à être transformées en engrais par Toopi Organics, une start-up basée en Gironde. Et les matières fécales serviront d’«amendement pour les sols».
Les douches d’air qui purifient l’air extérieur
Gadget ou innovation, le débat fait rage. Installés à moins de 100 mètres de l’A86 qui longe le village olympique, les «aérofiltres» de la société Teqoya sont censés aspirer plus de 90 % des particules fines. Mais ces douches d’air pur ne sont efficaces que lorsqu’on est dessous. Greenwashing ? « Je les aime beaucoup mes soucoupes volantes, car si on réussit à démontrer leur utilité, on pourra continuer à développer la ville à côté d’infrastructures lourdes. Mais on sait pas trop si ça a un intérêt ou pas », avoue l’ingénieur Ferrand.
Ultra-bas carbone
Sur le village, Vinci a fait couler 18 000 mètres cubes de béton ultra-bas carbone : grâce à des substituts au clinker (le liant du béton, hyperpolluant), il émet trois fois moins de CO2 par mètre cube : entre 70 et 90 kg contre 250 kg pour un béton normal. Seul défaut : son temps de prise, beaucoup plus lent. Il a donné des sueurs froides à Ferrand, pressé d’achever le chantier au 31 décembre 2023.
Des coquillages pour rafraîchir le sol
Pour lutter contre les îlots de chaleur, la Solideo a testé sur 125 mètres e «cool ground». Les eaux pluviales sont récupérées et stockées dans la chaussée. « Au lieu de pavés classiques, les trottoirs sont formés de coquillages reconstitués. Quand il fait chaud, l’eau s’évapore à travers le coquillage et ça rafraîchit la rue », décrit le DG de la Solideo.