Sur l’avenue Jules Bordet à Evere, ouvriers et ingénieurs ont commencé le démantèlement méticuleux d'un ancien complexe de bureaux. Au lieu de démolir le bâtiment, ils récupèrent soigneusement des milliers de mètres carrés de dalles de plafond, d'isolants muraux, de plancher technique de dalles de moquette, ainsi que des dizaines de luminaires, pour les réutiliser prochainement dans de nouveaux projets de construction. Plusieurs tonnes de bois, de verre, de plâtre et de carton, de métal, de câblage et de gravats de pierre sont également triées avec soin pour fabriquer de nouveaux matériaux de construction. « Il s'agit de l'un des plus grands projets circulaires de notre histoire », déclare le promoteur Ciril. « Le bâtiment démantelé lui-même sera bientôt transformé en un complexe résidentiel durable pour 80 familles, avec un peu d'espace pour des ateliers et des bureaux : Le Jules. » Ce projet est l’oeubre d’ a2o architecten, en collaboration avec les bureaux d'études Raco (techniques) et UTIL (stabilité). Le bureau D+A a quant à lui conçu le nouvel espace extérieur autour du bâtiment.
Ces dernières semaines, des spécialistes se sont employés à recenser tous les matériaux de construction de l'ancien complexe de bureaux de la banlieue bruxelloise susceptibles d'être réutilisés ainsi que les endroits où ils pourraient avoir une seconde vie. « C'est chose faite, en grande partie. Maintenant les matériaux d'isolation et de revêtement de sol récupérés s'empilent lentement mais sûrement dans les caves de l'ancien complexe de bureaux », explique Pieter Vanhout, directeur de l’agence immobilière Ciril. « Une équipe spécialisée démonte soigneusement tous les matériaux que nous les livrons ensuite aux entrepreneurs et aux entreprises qui souhaitent les réutiliser. »
Par exemple, un petit entrepreneur gantois, Huismus, va récupérer 2 400 m² de matériaux d'isolation pour les murs intérieurs et les plafonds acoustiques des nouvelles habitations. Une bonne partie des 3 000 m² des planchers techniques surélevés seront ensuite réutilisés sur un autre site bruxellois par l'entrepreneur Democo, société jumelle de Ciril. Un autre millier de m² est destiné à la société française Mobius. Des dizaines de luminaires sont récupérés par Ciril lui-même pour éclairer 1 000 m² de parking au Jules, le nouveau projet sur le même site, ainsi qu'un grand nombre de dévidoirs d’incendie.
« Tous les matériaux sont à nouveau testés pour leur résistance et leur sécurité incendie avant d'être réutilisés. Les matériaux qui ne sont pas à 100 % opérationnels ne sont pas réutilisés », explique Martha Vandermaesen de Democo, qui contribue à orienter le projet circulaire dans la bonne direction.
« Il s'agit, bien sûr, d'une manière de travailler complètement différente de celle des autres chantiers, où le marteau-piqueur défonce un bâtiment d’un bout à l’autre. Normalement, la règle est la suivante : plus c'est rapide, mieux c'est. Mais il s'agit d'une méthode de travail beaucoup plus durable et également meilleure pour l'économie sociale », explique Robert Kurvers, responsable de projet chez Ciril.
Recyclage
La réutilisation permettra d'économiser plus de 93 tonnes de CO2, ce qui équivaut aux émissions produites par 558 000 kilomètres parcourus par une voiture diesel ou par 744 vols entre Londres et Amsterdam (par passager). Ou avec les émissions de CO2 causées par près de 140 ans de respiration.
Les matériaux qui ne sont pas réutilisés ne finissent pas nécessairement en décharges. Les ouvriers trient également avec soin plusieurs tonnes de bois, de verre, de métal, de câblage, de gravats de pierre, de plâtre et de plaques de plâtre qui sont recyclés en matériaux de construction entièrement nouveaux. La structure du bâtiment ne sera pas démolie non plus, mais servira d’enveloppe pour le nouveau projet résidentiel Le Jules. Le recyclage total permet d'économiser plus de 400 tonnes de CO2, soit quatre fois les exemples repris au paragraphe précédent.
Dans son ensemble, il s'agit de l'un des plus grands projets circulaires jamais entrepris par les entreprises Ciril et Democo. « Et nous prévoyons certainement de réaliser d'autres projets de ce type ensemble à l'avenir, dès que ce sera possible », déclarent Robert Kurvers et Martha Vandermaesen. « Ce concept de construction (démontage d'un bâtiment, ndlr) en est encore à ses balbutiements, puisqu'il ne représente que 2% des coûts de construction. Mais il est important que nous prenions des mesures dans ce sens. Nous sommes donc convaincus que la construction circulaire deviendra une condition standard dans les permis de construire et les cahiers des charges. Nous devons tous utiliser les matériaux avec plus de parcimonie, car les matières premières deviennent chaque jour plus limitées et donc plus chères. Construire de manière plus durable est par ailleurs un moyen de garder les logements abordables. »
Complexe résidentiel durable
Si tout se déroule comme prévu, la construction du Jules débutera en été. Il s'agira d'un complexe résidentiel durable pour 80 familles, équipé de panneaux solaires, d'une pompe à chaleur économique et d’un système récupération des eaux de pluie. Le rez-de-chaussée sera rempli d'espaces productifs comme des studios, et le premier étage comptera encore quelques bureaux le long de la rue. Grâce à la flexibilité de la conception, ils peuvent être reliés aux appartements si nécessaire, comme espace de bureau, mais aussi comme atelier ou espace pratique.
Le Jules n’est peut-être un immeuble de bureaux reconverti pour sa majeure partie, mais lorsqu'il sera achevé, on n'en verra presque plus rien. Ciril a engagé le cabinet d'architectes de Hasselt a2o pour donner au bâtiment un aspect frais et moderne, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le bureau de conception a collaboré avec les bureaux d’étude Raco et UTIL, chargés respectivement de l'étude technique et de l'étude de stabilité, et avec D+A, responsable de l'aménagement paysager. L'intervention la plus frappante – mais également la plus circulaire – est probablement le remplacement du mur-rideau en verre par une structure façade en bois préfabriquée à haute performance. La finition sera assurée par un ciment pour façade gris clair.
Selon leurs propres termes, les architectes veulent faire comprendre avec ce réaménagement que les nouveaux projets de construction doivent abandonner l'idée qu'un bâtiment est monofonctionnel. Si même un bâtiment conçu à l'origine comme un immeuble de bureaux peut, avec un peu de bonne volonté, connaître une seconde vie en tant que nouveau projet d’habitation, couplé avec un rôle secondaire de bâtiment professionnel, alors une structure flexible et donc adaptable devrait au moins être envisagée dans tout nouveau projet de construction.
« À l'arrière, il y aura également une grande terrasse commune qui donnera sur la zone verte située derrière le site », ajoute Pieter Vanhout. « Pour que notre démarche durable soit complète, nous comptons aménager une forêt miniature autour de cette terrasse avec des fougères, des herbes hautes, des plantes vivaces à fleurs, des arbustes à feuilles persistantes et des arbres. De cette façon, le jardin semblera se fondre avec la zone verte située juste derrière, et il rendra également la vue des nouveaux résidents beaucoup plus agréable.
Les premiers nouveaux résidents du Jules devraient emménager en 2025.