Relieve Furniture, pour la fin d’une aberration écologique

10.7 millions de tonnes : voilà la quantité ahurissante de matériel de bureau qui finissent chaque année dans les décharges en Europe, après moins de 5 ans d’utilisation pour une grande partie. Une réalité effrayante, mais aussi la raison d’être de la start bruxelloise Relieve Furniture, qui y a vu une opportunité pour créer une nouvelle filière de réemploi, et participer ainsi activement à la transition écologique et au développement circulaire. Joaquim Dupont a rencontré Jeremy Van de Mullem, co-fondateur et CEO de Relieve Furniture, qui est revenu pour Circubuild sur les missions et les objectifs de son entreprise.

 

Un Van Mullem peut en cacher un autre

L’histoire de Relieve Furniture est encore très courte, mais le chemin parcouru depuis les débuts se révèle déjà impressionnant. Elle débute en 2010, avec Filip Van Mullem, le père de Jérémy :

« Mon père a créé HuBu, pour Human Business, qui avait pour activité première le volontariat d’entreprise. Comme projet principal, HuBu propose à des employés de grandes entreprises de travailler 2 jours comme volontaire par an dans une association. C’est une offre win-win : les associations trouvent des bénévoles, et les entreprises transforment le team building en time building. A l’époque, il s’agissait d’un projet très précurseur, et qui a permis de créer un pont entre le monde de l’entreprise et le secteur associatif ».

Au fur et à mesure, le réseau d’associations de HuBu s’est étoffé, notamment grâce à sa collaboration avec la Fondation Roi Baudoin. « Ces associations nous ont demandé si ces grosses entreprises disposaient de matériel de bureau (chaises, tables) qu’ils pouvaient leur laisser. Nous nous sommes rendu compte que quasiment toutes avaient dans leur bureau du matériel dont elles souhaitaient se débarrasser, comme donations ». HuBu met donc ce service en place, gratuitement dans une première phase. Malheureusement, elle remarque assez vite que, dans 60% des cas, ces associations qui n’étaient pas contraintes financièrement ne viennent pas récupérer le matériel sur place. En réaction, Filip Van Mullem décide donc de faire payer le service à un prix symbolique.

A l’époque, Jérémy habite à Londres mais décèle immédiatement le potentiel de ce service de digitalisation de supply chain, et garde dans un coin de sa tête l’idée d’en faire l’activité principale pour une future entreprise. « J’ai toujours eu l’envie d’entreprendre, mais en portant un projet qui a du sens, et j’avais avec ce service ce dont j’avais besoin pour réaliser mon rêve », explique Jérémy. Depuis Londres, ce dernier lance avec deux associés le département HuBu Mobilier, baptisé Relieve Furniture, et les deux premiers projets se révèlent très convaincants. En rentrant à Bruxelles, Jérémy créé une plateforme spécialement dédiée au mobilier de bureau, qu’il fusionne avec Relieve Furniture Angleterre. Relieve Group est lancé officiellement en février 2021, avec un grand changement : la plateforme est ouverte aux start-ups et petites entreprises en plus du réseau d’associations et d’écoles formé par HuBu, dans l’optique de stimuler l’économie circulaire,

 

Une solution nécessaire pour briser l’économie linéaire

« Pour donner une meilleure idée de l’ampleur du gaspillage d’objets et mobilier de bureau, j’aime parler en nombre d’articles : en Europe, cela représente 42 millions d’articles chaque année, et 1 million rien qu’en Belgique ».

Le service de Relieve Furniture a donc pour objectif de briser le paradigme de l’économie linéaire Take – Make – Dispose, sachant que sur le million d’articles jetés, la moitié est encore en parfait état et très loin de leur durée de vie maximale.

Au-delà de l’aspect circulaire, la plus-value solidaire est également importante, car elle permet à des petites entreprises ou des associations avec peu de moyens de se procurer du matériel de bureau optimal, inatteignable à prix neuf. Ces dernières peuvent donc offrir un cadre de travail de qualité à leurs collaborateurs, et ce à moindre coût.

Relieve Furniture a été sélectionné parmi les lauréats BeCircular 2022, une récompense tout sauf accessoire pour Jérémy : « Le subside BeCircular est assez difficile à obtenir. Il faut pour cela rendre un dossier très fourni et très solide, mais le fait que nous l’ayons obtenu nous offre en retour une grande crédibilité. C’est un magnifique cachet de fiabilité pour nos clients et partenaires, présents ou futurs ».

Ce soutien, couplé aux résultats d’une levée de fonds cette même année, laisse entrevoir de belles perspectives pour 2023 et plus loin. L’équipe a grandi, avec désormais 6 collaborateurs – bientôt 7 – et l’entreprise est ambitieuse : « Nous voulons consolider notre présence en Belgique, et augmenter encore notre réseaux de partenaires, pour être reconnu comme LA référence pour le mobilier de seconde main pour le marché B2B », affirme Jérémy, enthousiaste.

 

Un processus simple et un large catalogue de produits

Une des forces de la start-up bruxelloise réside dans la simplicité de son processus. Toute start-up, association, école, bureau d’architectes, désirant se procurer du matériel de bureau via Relieve Furniture, doit d’abord s’inscrire sur sa plateforme en ligne. Cette inscription est gratuite. Une fois sur cette plateforme, l’utilisateur peut parcourir le catalogue disponible, selon un modèle semblable à Ebay ou Vinted. « Tout se déroule en flux tendu : une fois la sélection faite, l’utilisateur doit définir au moment du check-out une date et heure d’enlèvement, sur le site de l’entreprise qui propose le matériel », précise Jérémy.

En ce qui concerne les produits en eux-mêmes, les plus demandés sont les chaises et tables de bureau ou de réunion, le mobilier de salle de réception, ou encore les luminaires. « Nous essayons aussi de trouver des acheteurs pour bien d’autres produits, comme des écrans, des armoires, des panneaux acoustiques, et j’en passe. Petite précision tout de même, pour tous les produits IT, comme les téléphones ou les ordinateurs, nous faisons intervenir Be.Circular en sous-traitance », ajoute-t-il.

 

D’autres services disponibles 

Pour décharger ses clients de l’enlèvement, Relieve Furniture propose également un service de livraison, via un partenaire de confiance en sous-traitance, spécialisés en déménagement. Jérémy et son équipe offrent aussi désormais un service sous forme de devis : « L’entreprise ou l’association concernée nous fait parvenir une liste de ce dont elle a besoin, ainsi que des plans des bureaux à aménager, et un de nos collaborateurs, dédié à 100% à ce service, s’occupera de trouver le matériel le plus adapté à leurs demandes, et les accompagner tout au long du processus ».

Récemment, Relieve a développé un service de nettoyage et de remise à neuf de matériel en collaboration avec Composil, une entreprise pionnière en entretien et nettoyage de moquettes de bureaux et mobilier textile. Baptisé refurbish and repurpose, ce service constitue une autre façon d’éviter l’achat de matériel neuf en rendant à un produit son état d’origine par un entretien en profondeur.

 

Pourquoi un si grand gaspillage du matériel de bureau ?

Du propre aveu de Jérémy Van Mullem, Relieve Furniture « existe à cause des dérives de surconsommation de l’économie capitaliste. Ce qu’il faut savoir pour comprendre le phénomène, c’est que les larges entreprises, depuis toujours, changent leur matériel de bureau, voire l’ensemble de leur décoration intérieure tous les 5 à 7 ans, parce qu’il a été amorti dans leur comptabilité. Il ‘faut’ donc ‘refaire des frais’, comme le veut l’expression ». Cela laisse à ces entreprises deux solutions : soit évacuer le matériel vers une décharge, soit l’entreposer, dans l’idée de s’en resservir plus tard, « ce qui n’arrive quasiment jamais ».

En effet, lors de déménagements ou réaménagements, les entreprises choisissent la solution de jeter l’ancien et d’acheter du nouveau, parce les nouveaux espaces sont de taille différente ou agencés différemment. Le travail de Relieve Furniture consiste donc, en grossissant quelque peu les traits, à veiller à un processus de récupération et de transit du matériel de bureau qui soit aussi simple que le paradigme jeter – « remplacer par du neuf ».

 

Un package win-win

Si Relieve Furniture a aussi rapidement trouvé son public, c’est tout simplement parce que les services proposés présentent pour leurs clients un alléchant package d’avantages. Premièrement, la start-up s’occupe de la globalité du processus, de l’inventaire des items et équipements, à leur placement en ligne, jusqu’à l’organisation du pick-up par les acheteurs : « il faut bien se rendre compte, pour une grande entreprise qui déménage vers un nouveau site ou simplement réaménage son intérieur, gérer autant de matériel à liquider peut s’avérer compliqué, et surtout, ne pas être au sommet de ses priorités : « La mission numéro 1 d’un facility manager d’une grande entreprise qui déménage, c’est de rendre les clefs des bâtiments vidés, à la date prévue ». En les déchargeant de la préoccupation du matériel de bureau, Relieve Furniture offre donc une aide non-négligeable ».

Pour ce faire, Relieve Furniture permet aux entreprises et organisations de proposer le matériel destiné à être évacué à leurs employés dans un premier temps (pour leur installation de télétravail par exemple), avant d’ouvrir le catalogue à l’ensemble des membres du réseau Relieve. Une fois atteint une date butoir déterminée, l’ensemble du matériel qui n’aurait pas trouvé de repreneur est récupéré par MCA Recycling, qui le paie à un prix au volume fixe et se charge de recycler tous les produits restants. Pour tout ce process, seuls les performances du photographe, l’inventorisation et les services de MCA Recycling sont facturés.

Ensuite, cela permet à des entreprises de participer – ou d’augmenter leur participation – a l’économie circulaire. Pour celles-ci, la récupération de leur matériel de bureau constitue évidemment une manière efficace de réduire leur impact carbone.

Relieve remet également un bilan financier ainsi qu’un bilan carbone de l’ensemble de l’opération, qui permet à la société concernée d’en visualiser clairement les bénéfices financiers et écologiques.

 

Rester ambitieux

La jeune start-up est bien consciente de la quantité de travail qu’il reste encore à accomplir dans son domaine, mais se dit prête à affronter le challenge. Jérémy nous dévoile d’ailleurs certains de ses espoirs pour l’avenir : « Une de nos grandes ambitions est de pouvoir collaborer avec le monde politique, notamment avec le cabinet de Barbara Trachte, la secrétaire d’état à la Région Bruxelles-Capitale, chargée de la Transition économique et de la Recherche scientifique. Nous voulons stimuler la participation des entreprises, via des éventuelles primes ou une réduction de la TVA sur ce matériel de réemploi, par exemple ».

« Mon rêve est de voir la Belgique se comporter en exemple dans ce domaine au niveau européen, grâce à Relieve Furniture. Il faut pour cela continuer à conscientiser tous les acteurs, et augmenter l’engouement autour du mobilier de seconde main, comme Vinted y est parvenu pour les vêtements ».

 

Soucieux de ne pas brûler les étapes avec sa jeune entreprise, Jérémy Van Mullem n’en demeure pas moins ambitieux, avec des étapes de développement clef déjà définies. « Nous avons déjà inscrit Paris et Londres sur notre feuille de route, pour l’année 2024. Nous restons cependant concentrés sur le marché belge, vu l’ampleur du travail à accomplir. Je reviens à ce chiffre de 1 million d’articles jetés en Belgique chaque année : si nous réussissons à atteindre 10 % de récupération, soit 100.000 articles, nous serions déjà extrêmement fiers ».

 

Un message à porter

L’équipe de Relieve Furniture tient à souligner le rôle de chacun dans la transition écologique, et à envoyer un message de conscientisation : « Nous voulons dire aux entreprises qu’il existe désormais avec Relieve Furniture un service qui permet de préserver du matériel en bon état et d’en faire profiter d’autres acteurs de l’économie belge, qui ont parfois moins de moyens. Ensuite, pour toute société ou organisation qui s’installe dans de nouveaux bureaux : faites du mobilier de seconde main votre premier choix ».

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