Toujours pas de normes belges pour les produits à base de terre crue

La construction en terre crue est difficile à mettre en place en Belgique car la normalisation qui l'entoure est limitée dans notre pays, voire inexistante. « C'est pour cette raison que ce sont les normes allemandes qui sont principalement utilisées pour mettre en œuvre la pratique circulaire en Belgique », explique Inge Dirkx du Laboratoire des matériaux de construction du CSTC. « Mais on travaille beaucoup actuellement sur les variantes belges de ces normes. »

 

La plupart des normes qui existent en matière de construction en terre crue ont été élaborées par le Deutsches Institut für Normung (DIN) de Berlin et sont donc allemandes. « Il s'agit des normes DIN 18945 pour les briques ou blocs à base de terre, DIN 18946 pour le mortier de maçonnerie à base de terre et DIN 18947 pour le mortier de plâtrage à base de terre », explique Inge Dirckx du Laboratoire des matériaux de construction du CSTC. « On note aussi l'existence de la norme française XP P13-901 pour les blocs d'argile non cuits, qui fait actuellement l'objet d'une révision approfondie et sera ainsi étroitement alignée sur la norme DIN 18945. La mise en œuvre des enduits d'argile pour l'intérieur est incluse dans la norme d'exécution européenne NBN EN 13914-2. »

« Dans notre pays, il n'existe pratiquement aucun document de référence sur la construction en terre crue. Mais cela va bientôt changer, car des travaux sont actuellement menés dans ce sens. Une norme de produit belge pour les enduits d'argile est en cours d'élaboration et, parallèlement, les notes d'information technique (NIT) du CSTC sur les enduits intérieurs - n°199 et 201 - sont révisées afin d'inclure les enduits d'argile dans le champ d'application, ainsi que les blocs d'argile non cuits comme support. »

Une fois que ces documents de référence seront en place, Inge Dirkx estime qu'ils permettront de mettre le processus en marche. « Si vous voulez intégrer un produit dans un cahier des charges, vous êtes toujours en position de force si vous pouvez vous référer à une norme à laquelle ce produit est conforme. Et ceci également vrai pour la terre en tant que matériau de construction. Pour l'instant, notre pays se réfère généralement aux normes allemandes, mais il est évident que la confiance dans la terre comme matériau de construction augmentera si des normes belges existent également. »

Un combat inégal avec les matériaux de construction conventionnels

Nicolas Coeckelberghs, cofondateur de BC materials, qui transforme les terres d'excavation des chantiers bruxellois en produits de construction en argile, fait partie de ceux qui ont déjà été confrontés à ce problème dans la pratique. « Construire en terre crue est effectivement autorisé en Belgique aujourd'hui, tant pour la façade que pour la structure, mais les matériaux de construction conventionnels, pour lesquels il existe des normes belges, l'emportent souvent », dit-il. « C'est logique. En tant qu'architecte ou ingénieur en stabilité, vous voulez être sûr à 100% que les produits fonctionnent et que le fabricant en assume l'entière responsabilité. »

« Construire en terre crue reste de l'artisanat et les entreprises qui fabriquent des produits pour la construction en terre ne sont pas nombreuses. Il est donc compréhensible que la confiance ne soit pas encore au rendez-vous. En fait, personne ne peut vous garantir à 100% que la brique cuite de l'entreprise x ou le plâtre d'argile de l'entreprise y fourniront les performances requises si les normes ne sont pas respectées. Cela s'explique en grande partie par le fait que la terre crue, en tant que matériau de construction, n'a pas fait l'objet d'une industrialisation poussée puisque la révolution industrielle a mis l'accent sur l'acier et le béton comme matériaux de construction. C'est bien sûr dommage, car avec du bon sens, on peut dire que les systèmes en argile offrent des avantages dans la construction, par exemple pour la résistance au feu. Et l'histoire nous enseigne que la terre a beaucoup à offrir comme matériau de construction. Cependant, aucun test n'a jamais été réalisé dans notre pays, car ces tests peuvent coûter plusieurs dizaines de milliers d'euros à un fabricant et il n'existe pas de cadre juridique. Et ce qui ne peut être prouvé... »

« Heureusement, les choses ont bougé ces cinq dernières années. Comme le souligne Inge Dirkx cette évolution s'est faite principalement en Allemagne, qui dispose d'un cadre juridique pour la réalisation de ces tests, ce qui explique que de nombreux fabricants y ont développé leur activité. Ce cadre juridique a été créé parce que l'Allemagne devait tout reconstruire rapidement après la Seconde Guerre mondiale. Pour les produits à base de terre crue, on a alors développé les normes nécessaires. »

Pour l'instant, BC materials peut justifier la fiabilité de ses produits de construction sur base des normes DIN. « Mais ces produits doivent trouver une oreille plus attentive chez les architectes et les maîtres d'ouvrage. Un autre défi pour nous est de démontrer que les sols que nous utilisons sont purs et non pollués, des sols pour lesquels d'autres lois s'appliquent », conclut Nicolas Coeckelberghs.

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