Une approche 'en tant que service' pour un projet de rénovation circulaire

Début 2019, trois associations flamandes - VVSG (association des villes et communes), OSVG (secrétariat de l'enseignement) et GSD-V (services sociaux des administrations locales) - se sont installées dans la Maison Madou, le nouveau 'cœur des villes et des communes' à Bruxelles. Ce bâtiment offre un espace ouvert de rencontre, un lieu de collaboration où obtenir des informations ciblées et partager des expériences mais il constitue aussi un projet de rénovation circulaire. Econocom a géré en tant qu'intégrateur les relations et les accords entre les entreprises responsables de la livraison, de l'installation et de la maintenance de ces produits en tant que service, les fournisseurs de services financiers et les clients. Comment cela fonctionne-t-il exactement ?

VVSG, OVSG et GSD-V travaillent depuis longtemps déjà aux 17 objectifs du développement durable (ODD). Dans cette perspective, opter pour un projet de construction circulaire était une évidence. VVSG souhaitait montrer l’exemple à ses membres, les administrations locales, en matière de circularité. En adoptant elles-mêmes des modèles de gestion 'en tant que service' et en mettant l’accent sur l’utilisation plutôt que sur la possession, les associations souhaitaient inspirer les administrations locales et les sensibiliser aux possibilités existantes.

Les acheteurs de VVSG savaient, lorsqu’ils ont rédigé le contrat, qu’il s'agissait d’un travail de pionnier. Ils avaient opté pour un seul cahier des charges détaillé pour l’ensemble du projet de rénovation du bâtiment, avec des lots séparés pour la rénovation, pour l’éclairage, pour les dalles de moquette, etc. Le cahier des charges incluait explicitement la circularité et l’approche 'en tant que service' comme exigences du projet.

L’exemple du revêtement de sol

Comment le concept 'en tant que service' a-t-il été défini dans le cahier des charges ?

Objet du contrat

L’objet de ce contrat comprend :

  • l’enlèvement et le recyclage des dalles de moquette existantes
  • la préparation de la chape
  • la livraison et l’installation de nouvelles dalles de moquette
  • le financement selon une formule 'en tant que service' (tous les éléments étant inclus)
  • l’entretien des dalles de moquette conformément aux exigences
  • la restitution des dalles de moquette au fabricant à l’échéance du contrat en vue de leur recyclage

Critères d’attribution

Les critères d’attribution ne tenaient pas seulement compte du prix. Les aspects environnementaux et l’approche 'en tant que service' comme modèle de financement étaient également pris en compte. Le pouvoir adjudicateur a évalué les offres sur la base des critères suivants :

  • Prix (40 points)
  • Modèle de financement (10 points)
  • Caractéristiques techniques des dalles de moquette (10 points)
  • Caractéristiques environnementales (10 points)
  • Caractéristiques des dalles de moquette en matière de bien-être (15 points)
  • Entretien des dalles de moquette (15 points)

Aperçu des spécifications prises en compte pour l'adjudication

  • Caractéristiques techniques minimales
  • Caractéristiques fonctionnelles minimales - par exemple : résistance aux fauteuils roulants, adapté au chauffage par le sol, anti-dérapant
  • Caractéristiques acoustiques minimales
  • Caractéristiques esthétiques : conserve une apparence impeccable au fil des années
  • Caractéristiques environnementales et écologiques

L’approche 'en tant que service' telle que décrite dans le cahier des charges

Le cahier des charges faisait explicitement référence à la formule 'en tant que service' dans les termes suivants :

L’offre de revêtement de sol 'en tant que service' dans le cadre de l'économie circulaire, c'est-à-dire l’enlèvement et le recyclage des dalles de moquette existantes, la fourniture et l’installation de nouvelles dalles de moquette conformément aux critères correspondants.

L'entrepreneur s'engage à réaliser la finition du sol conformément aux spécifications, plans et descriptions ci-joints et s'engage à faire en sorte que le fournisseur des nouvelles dalles de moquette à installer propose (au donneur d’ordre) un 'contrat FAAS' (Flooring as a Service) sur la base des critères correspondants.

La rémunération totale du concept revêtement de sol 'en tant que service' sur la période stipulée de neuf ans est incluse dans la liste des travaux et détermine également le classement des offres.

À l’échéance du contrat, le pouvoir adjudicateur doit mettre les dalles de moquette (empilées sur des palettes) à disposition  de la société de financement où le fabricant, dans le cadre de l'économie circulaire, pourra les collecter afin de les recycler (recyclage géré par le fabricant).

Financement 'en tant que service'

La durée de ce contrat est de 9 ans. Le soumissionnaire indique un prix forfaitaire par m2 et par mois pour le contenu total de ce contrat.

Le rôle d’un intégrateur est essentiel dans les dossiers de ce type. Il y a en effet 5 parties qui doivent travailler ensemble de manière coordonnée :

  1. le fabricant fournisseur des nouveaux tapis qui assume également la responsabilité de récupérer les dalles de moquette après 9 ans et de les recycler,
  2. l’installateur qui se charge à la fois du retrait des anciennes dalles et de l’installation de nouvelles dalles de moquette,
  3. l’entreprise chargée de l’entretien annuel en profondeur des dalles de moquette (« deep cleaning »),
  4. un acteur à définir qui sera chargé de retirer les « nouvelles » dalles après 9 ans, 
  5. le partenaire financier.

Le concept 'en tant que service' n'est pas suffisant pour une solution circulaire

Une solution n'est circulaire que s’il existe une coopération dans la chaîne de manière à assurer une gestion optimale des matières premières tout au long de leur cycle de vie. Des exigences ont donc été imposées également en ce qui concerne la durabilité du revêtement de sol lui-même : par exemple, le matériau devait être composé de fils fabriqués à partir de matériaux 100 % régénérés (BCF Polyamide 6 Econyl). Le dos des dalles ne pouvait pas contenir du PVC ni des bitumes et devait contenir au moins 70 % de matériaux recyclés définis positivement dans le cadre de la norme Cradle to Cradle. En outre, le revêtement de sol devait être certifié Cradle to Cradle Silver. L’entretien des dalles de moquette devait aussi utiliser obligatoirement des produits respectueux de l’environnement.

Leçons à tirer et conseils

Pour le(s) fournisseur(s)

  • Ne faites pas tout vous-même, coopérez avec des spécialistes ;
  • N’assumez pas tout sur votre propre bilan ;
  • Externalisez la gestion financière : facturation, risque débiteur, gestion des débiteurs ;
  • Tenez compte du fait que la propriété des produits peut être transférée temporairement et qu’elle peut être reprise au terme du contrat, de sorte que vous conservez le contrôle sur la deuxième vie des produits au terme de la durée de vie contractuelle

Pour le client

  • Cherchez à obtenir des informations appropriées pour la description de votre projet. Visitez des projets. Rendez-vous sur le terrain afin de pouvoir évaluer non seulement la durabilité et la circularité, mais aussi la qualité et l’apparence.
  • En plus de votre architecte, assurez-vous de compter sur un bon coordinateur de projet qui maîtrise tous les marchés. Une réflexion préalable adéquate est primordiale pour la gestion du projet. Cela permet d’éviter les retards dans le projet.
  • Investissez dans la communication. Impliquez vos collaborateurs dans l’ensemble du processus. Expliquez les raisons pour lesquelles certains choix sont effectués. Cela favorise l’engagement. Écoutez leurs idées préconçues pour pouvoir les réfuter.
  • Faites appel à des experts. Même si, sur le plan de la comptabilité et de la gestion financière, VVSG a pu se baser sur un modèle de cahier des charges, il s’est vite avéré que des conseils et un soutien supplémentaires étaient nécessaires.
  • La prévoyance, plutôt que la réflexion, est un must. Il est essentiel d’être bien informé et de connaître toutes les possibilités. Dans le cas contraire, vous rencontrerez des difficultés lors de la définition du projet. VVSG avait identifié certains problèmes, mais n’avait peut-être pas suffisamment pris en compte leurs conséquences dans le processus.
  • Ne vous laissez pas totalement influencer par des schémas de pensée traditionnels. Osez défendre vos points de vue face à l’administration centrale. Les règles actuelles en matière de financement public (budgets, subventions) favorisent les dépenses d’investissement (CAPEX) au détriment des dépenses d’exploitation (OPEX). Cela a des effets trop restrictifs dans le cadre de l’économie circulaire.

 

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