Une nouvelle vie pour la Cimenterie Delwart (Atelier d'architecture Meunier-Westrade)
Récemment, Circubuild s’est penché sur un des projets circulaires les plus ambitieux de Wallonie, celui de la réhabilitation et reconversion de l’ancienne cimenterie Delwart, à Tournai, aujourd’hui transformée en un complexe mixte comprenant un centre d’accueil pour personnes souffrant de handicap, 39 appartements et 3 lofts, répartis sur deux bâtiments. Conçu par l’Atelier d’Architecture Meunier Westrade, bureau local lui aussi implanté à Tournai, le projet se distingue par son approche circulaire et sa conservation du patrimoine industriel. Cet aspect circulaire a également permis à la société générale Galère de tester de nouvelles pratiques d'exécution.
A l’origine, la famille Dufour, propriétaire du site, et le promoteur immobilier Kairos, qui se sont associés au sein de la société momentanée Duka Immo pour ce projet. C’est la société générale Galère qui a quant à elle pris la charge des travaux de transformation, en mettant un point d’honneur à s’appuyer autant que possible sur des pratiques circulaires. « Ce projet a également servi de « test », dans le sens où nous y avons essayé certaines pratiques circulaires que nous n’avions jamais mis en place auparavant », explique Anne-Sophie Hallet, Coordinatrice Environnement et Circularité chez Galère.
Conserver le passé industriel
Une des ambitions principales du projet était de mettre en valeur la richesse patrimoniale, en conservant certains éléments emblématiques du site industriel antérieur, dont la fameuse tour baptisée « nid d’aigle », haute de près de 40 mètres. Cet ancien four vertical - qui ne fait pas partie du projet de transformation - a été renforcé, pour assurer une stabilité maximale. Un nombre d’autres éléments rappelant le passé industriel (cheminée, structures métalliques, un mur de pierre de la cour, rails, …) ont également été récupérés et conservés, en vue d’être remis en œuvre ultérieurement, dans les abords. De même, le bâtiment en béton en front de rue a été préservé, et abritera les 3 lofts neufs prévus dans le programme.
Une « mine » de matériaux bien exploitée
« Le meilleur moyen d’assurer une circularité maximale, c’est de l’intégrer dès les premiers instants du projet, pendant la conception. Il s’agissait d’une exigence du cahier des charges pour ce projet, et je crois que cela a permis d’atteindre un résultat exemplaire », souligne A-S Hallet. Pour la Cimenterie Delwart, les différents acteurs du projet ont préalablement inventorié les matériaux présents sur le site, en vue d’un réemploi in situ. Au-delà de l’aspect pratique et de la conservation de l’« âme » du site, celui-ci permet également une diminution des coûts et des émissions de CO2 lors de l’exécution des travaux, grâce principalement à l’absence de transports.
Lors de la phase de démolition, le groupe Dufour, lui-même actif dans le tri de déchets, a déblayé de grandes quantités de terres en vue de les réutiliser sur place. Ensuite, les briques ont elles aussi trouvé une deuxième vie dans le nouveau projet sur place, soit en tant que telles (pour l’équivalent de 3 palettes), soit concassées et utilisées comme fond de coffre.
Dans son optique « d’expérimentation », la société Galère a mis en place deux nouvelles filières de tri innovants, à savoir les blocs de plâtre et les briques de parement. A noter également, du revêtement de toiture a été recyclé grâce à une collaboration avec un partenaire de Circubuild, Derbigum. Enfin, l’entreprise Galère a également réemployé des matériaux issus d’autres chantiers.
D’autres matériaux ont fait défaut
Les équipes de Galère n’ont par contre toujours pas trouvé la solution concernant la question des carrelages de réemploi, qui se révèle épineuse : « Dans le dossier de candidature Circular Wallonia nous avions prévu la mise en œuvre de carrelage de réemploi pour certaines zones communes du bâtiment d’appartements. Malgré nos recherches, nous n’avons pas encore réussi à trouver un carrelage adéquat dans les quantités nécessaires. Nous continuons bien sûr nos recherches pour cette perle rare ».
De même, l’entreprise générale wallonne s’était engagée à intégrer des panneaux isolants de réemploi, mais n’a pu s’en procurer. Une pénurie que l’on peut imputer à la récente crise de l’énergie, qui a provoqué un boom des activités d’isolation ou de rénovation énergétique, notamment par les particuliers.
Encore quelques freins
Malgré les avancées réalisées par le secteur en termes de circularité, Anne-Sophie Hallet souligne tout de même deux aspects qui freinent encore sa généralisation : « Premièrement, il y a la question de l’esthétique : il est très difficile de trouver certains matériaux de réemploi qui correspondent parfaitement à ce qui est exigé dans les cahiers des charges, comme cela nous est arrivé sur ce projet pour les carrelages. Deuxièmement, vient la question de la sous-traitance : lorsque l’on annonce qu’un projet suit une démarche circulaire, très clairement, certains sous-traitants sont effrayés, parce qu’ils ne sont pas coutumiers des pratiques ».
Un projet « test » riche en enseignements
Si l’entreprise Galère est coutumière de large projets de reconversion, l’aspect circulaire du projet en question constituait une nouveauté pour elle, comme l’explique Anne-Sophie Hallet : « Nous réemployons depuis longtemps notre matériel de chantier, comme les madriers ou les panneaux de coffrage, mais il s’agit pour nous d’une première en Wallonie en ce qui concerne le réemploi des matériaux modernes ». [1]
Les équipes de Galère ont donc beaucoup expérimenté sur ce projet, retirant des enseignements précieux. Parmi ceux-ci, la coordinatrice souligne l’importance d’une communication claire et précise quant à leurs attentes envers leurs sous-traitants : « Dès la consultation, il est nécessaire de clarifier ce qu’ils devront faire, pour qu’ils puissent remettre une offre prenant en compte les exigences de l’approche circulaire ». De plus, elle conseille aux entrepreneurs désireux de travailler de façon circulaire de multiplier les contacts avec des sous-traitants potentiels, en allant plus loin que le cercle de partenaires établis.
Accepter les aléas et les difficultés
Le projet de la Cimenterie Delwart a clairement dévoilé à l’entreprise Galère les choses à faire et à ne pas faire pour permettre une circularité, mais aussi les difficultés inhérentes aux projets de construction circulaire. « Ce projet est exemplaire en termes de circularité et de durabilité, mais tout n’a pas été rose. Nous ne disons pas cela pour décourager les pratiques circulaires bien entendu, mais pour avertir des challenges à surmonter pour construire de la sorte. La circularité exige de la flexibilité, une grande organisation logistique et une communication constante entre les différents partenaires impliqués. En effet, il faut parfois retourner certains problèmes dans tous les sens pour trouver une solution adéquate. Mais nous sommes extrêmement fiers du résultat final pour ce projet, unique en Wallonie », conclut-elle.
[1] L’entreprise Galère possède également une division patrimoniale, baptisée D24, spécialisée en restauration de monuments historiques. Pour ses projets, elle recourt déjà aux pratiques circulaires de démontage, restauration et repose de matériaux classés.